"Je tâche de me rendre intelligible. Mon dessein est de faciliter les moyens pour travailler en chimie et la dépouiller autant que je pourrai de ce qui la rend mystérieuse et cachée."

Nicolas Lémery

 

 

 

Arrivé à ce moment de l’histoire de la chimie, sans doute faut-il parler de méthode et pour cela dire quelques mots de sir Francis Bacon qui, sans doute le premier, posa les fondements de la science moderne.

 

Coïncidences troublantes : Sir Francis Bacon est né l’année de la mort de Galilée (1561), Robert Boyle est né quelques mois après la mort de Bacon (1626), voila un enchaînement important pour tous les scientifiques. 

 

Bacon a beaucoup lutté pour surmonter les blocages intellectuels et le dogmatisme de son époque. Très tôt, il a critiqué Platon, Aristote et les aristotéliciens, mais aussi l'alchimie de la Renaissance.

 

Pour Bacon, la cosmologie d'Aristote et sa théorie scientifique, étaient obsolètes. Contre  l’enseignement officiel (la scolastique), il remet en piste les philosophes présocratiques, en particulier les atomistes et Démocrite leur porte-drapeau.

 

Francis Bacon est le père de l'empirisme sous sa forme moderne, il va jeter les bases d'une science appliquée (scientia operativa) :


" L'empirique, semblable à la fourmi, se contente d'amasser et de consommer ensuite ses provisions. Le dogmatique, telle l'araignée, ourdit des toiles dont la matière est extraite de sa propre substance. L'abeille garde le milieu ; elle tire la matière première des fleurs des champs, puis, par un art qui lui est propre, elle la travaille et la digère. (...) Notre plus grande ressource, celle dont nous devons tout espérer, c'est l'étroite alliance de ces deux facultés : l'expérimentale et la rationnelle, union qui n'a point encore été formée…"

 

Voici clairement définie une méthode à l’usage de tous les chimistes !

 

Dans un de ses premiers textes, Cogitata et Visa (1607), Bacon met en avant sa méthode, qui est devenue célèbre sous le nom d'induction (l'induction crée du sens en passant des faits à la loi, du particulier au général). Il rejette la méthode syllogistique et définit sa procédure de remplacement qui « par la lenteur et le fidèle labeur recueille l'information des choses et les met en compréhension»

 

Selon Bacon, l'esprit humain est un miroir déformant, en raison de distorsions implicites. Par conséquent, nous devons améliorer notre esprit, c'est à dire, le libérer des idoles, avant que nous entamions l'acquisition de connaissances.

 

Locke(1632-1704) formulera sur ce point la métaphore de l'ardoise vierge (tabula rasa) pour décrire l'esprit humain avant son contact avec le monde. Seule l’expérience peut être le fondement de nos connaissances.

 

La critique des idoles


" Il n'y aura point de restauration des sciences tant que les notions fausses, « les idoles » occuperont l’esprit. Il classe ces «idoles»  selon quatre genres : les idoles de la race, les idoles de la caverne, les idoles de la place publique, et enfin les idoles du théâtre."

 

Les premières sont dans la nature de l'homme dont les perceptions sont à la mesure de ses désirs et non pas de l'Univers. Dans un premier temps, l'homme est toujours la mesure de toute chose et cela nuit à l'objectivité de son savoir.

 

 Les secondes idoles proviennent de la caverne - lieu symbolique, depuis Platon, de l'erreur et des ténèbres - lentement construite autour de l'individu par l’entourage, l'éducation, la lecture… autant de causes du subjectivisme.

 

Les idoles de la place publique viennent des mots, de la langue commune. Bacon inaugure une sévère critique du langage, dans lequel il voit une source d'erreur, en montrant que les mots, auxquels nous ne faisons guère attention, «dissèquent les choses selon les lignes les plus perceptibles à l'entendement commun». A cette dissection de la réalité selon de fausses catégories, il est nécessaire d'opposer une grille d'interprétation fondée sur l'expérimentation maîtrisée.

 

Locke dira également à peu près ceci : nous avons la fâcheuse tendance de prendre les mots pour les choses, et il nous suffit de parler pour croire à ce que nous disons.

 

Les idoles du théâtre sont consacrées par le respect que nous portons aux œuvres du passé comme aux sectes philosophiques. La connaissance purement livresque et la tendance à développer précipitamment une philosophie (et à y mêler la théologie) engendre la sophistique, l'empirisme naïf et la superstition.  

 

Il faut noter que pour un autre empiriste célèbre, David Hume (1711 – 1776), ce n'est pas la nature d'un fait observable qui est l'enjeu du problème de la connaissance, mais plutôt le passage de l'impression immédiate aux idées, par l'entremise de l'imagination et de la mémoire.  

 

« Il est évident que toutes les sciences, d'une façon plus ou moins importante, ont une relation à la nature humaine, et que, si loin que l'une d'entre elles peut sembler s'en écarter, elle y revient toujours d'une façon ou d'une autre. »

 

Ce retour à l’expérience et la méthode inductive, seront à la base des découvertes des nouveaux (al)chimistes et de l'émergence de la chimie en tant que science à part entière.

 

Pour en finir (ou presque) avec l'alchimie, j'évoquerai dans l'épisode suivant, l'énigme (pour beaucoup) de Newton alchimiste.

 

Mais auparavant, je vais poser quelques jalons historiques (un peu arbitraires !) à partir des travaux d’(al)chimistes et chimistes célèbres, de Van Helmont à Nicolas Lémery, en passant bien sûr par Robert Boyle qui, parmi tous les « fondateurs » de la chimie moderne, est sans doute le plus éminent.

 


Jan Baptist Van Helmont (1577-1644)

 

Van Helmont est un médecin et chimiste flamand - inventeur du mot gaz (initialement gas : du grec chaosχάος- « état originel désordonné de la matière») - mais aussi un alchimiste qui croit en la Pierre Philosophale… C’est cependant un expérimentateur rigoureux, un des premiers chimistes à vouloir rompre avec certains dogmes alchimiques et à  pratiquer une science rigoureuse.

 Il juge sans fondement la théorie des quatre éléments d'Aristote ; n'admet que deux éléments, l'air et l'eau, et ces éléments sont passifs.

« Le feu n’est ni un élément, ni une substance ; la flamme est une fumée allumée. »

 

La terre n’est pas un élément non plus puisqu’elle résulte de la transformation de l’eau. Il en fait la démonstration suivante :

Il fait pousser un saule dans une caisse de bois contenant une quantité de terre bien déterminée.

Après arrosage, durant cinq ans, avec de l’eau de pluie filtrée sur tamis, il observa que le poids de l’arbre avait augmenté de 76 kg, tandis que celui de la terre n’avait diminué que de 57 g. La terre n’ayant accusé aucune variation sensible de poids, c’est donc l’eau qui s’est changée en bois et en racines, c’est-à-dire en substances solides que l’on qualifiait de « terre ».

Van Helmont fait aussi la différence entre air et gaz. Il mettra en évidence le gaz carbonique (gaz sylvestre) parmi d’autres exhalaisons de la matière.

 

Loin d'admettre, avec Aristote, que la forme soit une cause, il la considère comme un simple effet, dont la cause est une archée (nom que Paracelse donne à l'esprit vital qui préside à la nutrition et à la conservation des êtres vivants).

Pour Van Helmontl’archée est le  principe-esprit à l’origine de la diversité des espèces chimiques, c'est dire qu'il existe autant d'espèces d'archées que l'on compte d'espèces chimiques.

    Jean Rey (1583-1645)

 

Chimiste et médecin périgourdin qui obtint le titre de docteur en médecine de l’université de Montpellier en 1609. Lui aussi était un grand expérimentateur, un adepte de la « forge ».

 

Dans " Essays de Jean Rey sur la Recherche de la cause pour laquelle l'Estain et le Plomb augmentent de poids quand on les calcine", publié en 1630 (à une portée de fusil de ma ville natale - à Bazas -plus connue pour ses bœufs gras et sa cathédrale que pour ses maisons d’édition !), il s’affirme comme le précurseur de Lavoisier (à près de cent cinquante ans de distance !), puisque voici la réponse à la question qu'il pose :

 

 « Le  surcroit de poids vient de l'air »

 

Cet opuscule fut sans doute tiré à un très petit nombre d'exemplaires et devint tout de suite très rare.

 

En 1775, Bayen, chimiste français, découvrit de livre dans la bibliothèque royale, alors que Lavoisier venait de faire part à l'Académie de ses conclusions sur la pesanteur de l'air. Il fait part de sa découverte à l'abbé François Rozier alors directeur de la publication du Journal de Physique, dans une lettre où il désigne Jean Rey comme le précurseur de Lavoisier.

 

L'ouvrage fut traduit en anglais (un exemplaire se trouve au British Museum). Actuellement seuls sept exemplaires sont connus.

 

Lavoisier écrira dans ses mémoires à propos de Jean Rey :

 

« Un des Auteurs qui ont le plus anciennement écrit sur cet objet est un médecin presque ignoré, nommé Jean Rey, qui vivait au commencement du XVIIe siècle à Bugue en Périgord… Descartes ni Pascal n’avaient point encore paru ; on ne connaissait ni le vide de Boyle ni celui de Torricelli, ni la cause de l’ascension des liqueurs dans les tubes vides d’air. La physique expérimentale n’existait pas ; l’obscurité la plus profonde régnait dans la chimie… Il développa des vues si profondes, si analogues à la doctrine de la saturation et des affinités, que je n’ai pu me défendre de soupçonner longtemps que les Essais de Jean Rey avaient été composés à une date très postérieure à celle que porte le frontispice de l’ouvrage. »

 

 Pierre Gassendi (1592 - 1655) n’est pas chimiste, ni alchimiste, mais astronome et mathématicien.

Pour ses recherches, Gassendi va utiliser cette nouvelle méthode fondée sur l’expérience et l’observation. Par exemple, en 1641 à Marseille, il organise une démonstration publique (un boulet est lâché du haut d’un mât sur un navire en mouvement) afin de confirmer la thèse de la chute des corps. Grâce à ces expériences, Gassendi donnera une expression correcte de la loi d'inertie.

 

Cependant Gassendi, qui est aussi philosophe, s’intéresse à la constitution de la matière et il choisit lui aussi de revaloriser la théorie atomique et corpusculaire de Démocrite.

Gassendi s'impose en effet comme un fervent défenseur de l'existence du vide et des atomes. Sur ce sujet, il a une conception très proche de celle d'Epicure : la réalité dans sa totalité est composée de deux éléments, les atomes et le vide.


Selon Epicure, l'atome est une réalité invisible, éternelle, immuable, inaltérable et insécable, mais non indivisible. Les atomes se déplacent dans le vide et peuvent alors s'assembler pour former une infinité de mondes existants.

Pour concilier les approches mécaniste et chrétienne de l’univers (Galilée n’est pas si loin !), Gassendi abandonne l’idée de l’infinitude du nombre d’atomes et du nombre de mondes tout en rejetant la notion d’éternité. Les atomes et le monde doivent avoir un commencement et une fin, dont Dieu seul décide de l’instant ; il exclut toute notion de hasard si chère aux atomistes grecs.

 

 

 Johann Rudolf Glauber (1604 -1670)  est lui chimiste, pharmacien mais aussi alchimiste.

 

Grand voyageur, cet allemand vécut successivement à Vienne, Salzbourg, Bâle, Paris, Francfort-sur-le-Main, Cologne et enfin Amsterdam.

 

Glauber fait partie des précurseurs de la chimie contemporaine. Certes il  ne doutait pas de la puissance de l'alchimie, mais il ne perdit pas son temps dans des opérations hermétiques.

 

 De 1648 jusqu'à l'année de sa mort, il publia un nombre considérable de procédés variés et d'appareils ingénieux. On lui doit le procédé de chauffer l'eau par circulation, les bains de vapeur, la carbonisation du bois en vase clos et le moyen de recueillir les produits volatils qui s'en dégagent.

 Il  recommande l'eau d'acide chlorhydrique pour attendrir les viandes et conserver les légumes…

Glauber décrit aussi la préparation d'un grand nombre de chlorures sous la dénomination d'huiles métalliques. Il fait connaître la préparation du chlorure d'antimoine en distillant le sulfure de ce métal avec le sublimé corrosif...

Il savait préparer l'acide sulfurique, l'acide sulfureux… Bref ce fut un très grand chimiste !

 

Il mit en particulier au point un four de distillation pour préparer différents sels à usage  médicinal. C’est ainsi qu’il obtint à partir de l'eau minérale de Neustadt, près de Vienne, le sulfate de soude à l'état de beaux cristaux hydratés qu'on nomma sel admirable de Glauber (sulfate de sodium décahydraté, Na2SO4* 10 H2O) qui fut utilisé comme laxatif chez les hommes et… les chevaux !  

 

 

 Robert Boyle (1627 - 1691)

Boyle est le premier chercheur scientifique à avoir vraiment suivi les préceptes édictés par Francis Bacon dans le Novum Organum. Il est connu pour sa réticence à formuler des théories généralisées, il a préconisé une "philosophie mécanique".

Boyle a préféré rendre compte des résultats de ses expériences, y compris les résultats négatifs, et a souvent déploré le fait que nous manquions de résultats expérimentaux et d’observations précises dans divers domaines de l'activité scientifique. Pendant des siècles on avait négligé l'expérience.

Il écrivit ce qui est considéré comme une œuvre phare sur la distinction entre nature et métaphysique appelée A Free Enquiry into the Vulgarly Received Notion of Nature. Cet ouvrage, écrit en 1686, marqua le point de départ de la transformation de la philosophie naturelle en science. Il représenta un démarquage radical par rapport à la scolastique de son temps. 

Son œuvre est considérable et touche de nombreux domaines. Il fut membre-fondateur de la prestigieuse Royal Society of London.

Dans le domaine scientifique nous le connaissons tous comme coauteur (avec Mariotte) de la loi des gaz parfaits : PV = k, où k est une constante, et P et V sont respectivement la pression et le volume (son assistant, à l'époque, se nomme Robert Hooke).

Mais il est aussi l’auteur de nombreuses publications en mécanique, médecine, hydrodynamique…


Boyle est le premier chimiste à isoler et à recueillir un gaz.

 Dans le même temps, il s'est aussi  intéressé à l’aspect théorique et pratique de l’alchimie. Il croit à la possibilité de la transmutation des métaux.

Robert Boyle s'élève dans The Sceptical Chymist (1661), contre la théorie des quatre éléments, et dénonce les alchimistes qui reconnaissent le soufre, le mercure et l'arsenic ou le sel comme les principes immédiats des métaux.

Il repousse aussi les idées de Van Helmont, de ses archées et de sa thèse à propos d’une matière constitué de deux seuls éléments matériels, l'air et l'eau.

Robert Boyle pense que, probablement, il existe plus de quatre éléments dans la nature, et qu'il en est de volatils qui se dégagent sous l'influence du feu par les joints des vaisseaux. Il est porté à croire que les quatre éléments sont complexes (si l'eau est un élément simple, pourquoi les matières végétales (principes immédiats) sont si variées dans leurs propriétés ?).

Robert Boyle était lui aussi partisan de l'hypothèse atomique ; il pensait que les atomes, les molécules, les corpuscules à l'état de repos ou à l'état de mouvement devaient présenter des phénomènes fort différents.

Pour lui, la chimie est la science de la composition des substances, non pas simplement un complément à l'art de l'alchimiste ou du médecin.

 Il avait distingué la combinaison du mélange, d'une manière bien plus précise que ne l'avaient fait les alchimistes. Il avait une idée juste de la combinaison chimique, en d'autres termes, d'un fait absolu bien défini par la science.

 

 Il est enfin à l’origine des progrès considérables dans les techniques de détection, un processus qu'il désigne par le terme «d’analyse».

 

Cependant il eut tendance à expliquer comme beaucoup de ses contemporains (dont Newton un peu plus tard) beaucoup de phénomènes chimiques et organoleptiques par des causes purement mécaniques :

« … les corpuscules acides ont la forme piquante et tranchante, de là leur saveur aigre, tandis que les corpuscules alcalins, pourvus de cavités, reçoivent les corpuscules, comme une gaine reçoit la lame d'un poignard… »

 

Robert Boyle était l’ami de son cadet, Isaac Newton (1642-1727). Lui, le riche aristocrate, avait une confiance sans défaut dans le self-made-man Newton. 

« Un Boyle, un Newton, deux hommes qui marchèrent bride en main dans la seule route qui conduit à la vraie Philosophie » Histoire des Stuarts

 

 Nicolas Lémery (né à Rouen en 1645, mort à Paris en 1715), était chimiste mais aussi apothicaire et médecin.

 

 De 1668 à 1672, il est à Montpellier, d'abord étudiant de la très réputée Faculté de médecine, puis professeur de chimie en titre de cette même Université (un parcours peu commun à cette époque).

 

Sa véritable vocation sera l’enseignement. Il retourne à Paris en 1672 pour ouvrir, dans une cave de la rue Galande, un cours de chimie. Immédiatement le succès est phénoménal.


Fontenelle écrit :

 

"L’affluence du monde y était si grande qu’à peine y avait-il de la place pour ses opérations"

 

Lémery est un expérimentateur hors pair et son enseignement est fondé sur l'expérience :

 

"Je ne m’occupe expressément d’aucune opinion qu’elle ne soit fondée sur l’expérience."

 

C’est aussi un théoricien. En 1675 (il n’a que 30 ans), il publie le plus grand best-seller de toute l’histoire de la chimie, son fameux :

 

COURS DE CHYMIE

Contenant LA MANIERE DE FAIRE les Opérations qui sont en usage dans la Médecine, par une Méthode facile.

AVEC DES RAISONNEMENTS sur chaque Opération, pour l’instruction de ceux qui veulent s’appliquer à cette Science.

 

C'est encore Fontenelle qui écrira à propos du succès de l'ouvrage :

 

"La gloire qui se tire de la promptitude du débit n’est pas pour les livres savants ; mais celui-là fut excepté. Il se vendit comme un ouvrage de galanterie ou de satire."

 

 Parmi ses publications on relèvera aussi  la Pharmacopée universelle (1697), le Traité universel des drogues simples qui deviendra un Dictionnaire universel des drogues... (1698), et l'ultime opus Traité de l’antimoine (1707).

 

En s'appuyant sur Descartes, qui avait laissé entendre que grâce à sa théorie une interprétation mécanique de la chimie devenait possible, Lémery voulut rattacher la chimie, alors entachée d’une certaine nébulosité, à la physique, réputée plus rationnelle. Il écrira que les phénomènes observés en chimie ont leur origine dans les formes des particules décrites par le philosophe : matière subtile, irrégulière et globuleuse

 

Il décrit ainsi la réaction d’un acide sur un alcali (une base) :


  "Je ne crois pas qu’on me conteste que l’acide n’ait des pointes puisque toutes les expériences le montrent ; il ne faut que le goûter pour tomber dans ce sentiment, car il fait des picotements sur la langue semblables, ou fort approchants, à ceux qu’on recevrait de quelque matière taillée en pointes très fines ; mais une preuve démonstrative convaincante que l’acide est composé de parties pointues, c’est que non seulement tous les sels cristallisent en pointes, mais toutes les dissolutions de matière métallique prennent cette figure dans la cristallisation."

 

A partir de là il explique la réaction acido-basique "par l’existence de pores à la surface des particules de l’alcali dans lesquels les pointes de l’acide peuvent venir s’enfoncer."


Au passage, notons que si la chimie de Lémery est d’essence corpusculaire, ses corpuscules ne sont pas insécables : les pores (ou gaines) des alcalis peuvent éclater, les pointes des acides peuvent se briser.

 

Malheureusement ce grand chimiste, qui  le premier distingua formellement la matière inerte, objet de la chimie minérale, du règne végétal et animal, objet de la chimie organique, servira ainsi de référence aux futurs tenants du vitalisme. Cela l'enverra directement au purgatoire des chimistes et le vouera à la vindicte de Marcelin Berthelot dont nous avons déjà parlé...

 

Bibliographie

 

L'essentiel est dans les liens. Voir aussi :

 

-Résumé d'une histoire de la matière depuis les philosophes grecs jusqu'à Lavoisier inclusivement, Mémoire de l'Académie des Sciences (1877)M. E.Chevreul

- Le Dr Jean Rey du Bugue, G. Lafon, Périgueux, Imprimerie de la Dordogne, (1896), cité ICI

- La gloire du grand Lémery, B. Bourdoncle

 

A consulter un petit repère historique ICI