« Culture et savoir diminuent en tout homme qui les possède la possibilité d’être dupe des mots, d’être crédule aux mensonges. Culture et savoir augmentent en tout homme le pouvoir de comprendre la réalité où il vit. (...) La conscience de cette réalité a une valeur explosive : elle ne peut qu’entraîner à la volonté de la transformer. (...) La bourgeoisie doit donc abaisser la culture, la conscience des gens qu’elle domine »

 Paul NIZAN

 

Cioran disait : "Tout ce que je sais à 60 ans, je le savais déjà à vingt. Quarante ans d'un long et pénible travail de vérification."

 

Pour beaucoup de fourmis laborieuses dont je fais partie, le peu que nous savons de l'univers qui nous entoure, ce que nous percevons de ce monde où nous vivons, s'élabore, se construit (ou se déconstruit!) chaque jour.

 

A 20 ans je ne savais rien -ou presque-, je croyais beaucoup au triomphe de l'homme bon et vertueux, au progrès continu, à la science quasi infaillible... bref à la victoire quasi inéluctable du Bien sur le Mal. Le Mal absolu étant bien sûr incarné par les religions, le capitalisme et l'impérialisme (stade suprême du capitalisme -Lénine-) et surtout l'ignorance.

 

Si j'ai gardé les mêmes convictions à propos de l'incarnation du Mal, tout ce que j'ai appris m'a conduit à un pessimisme (ou scepticisme) sur les moyens de le combattre, que le temps qui passe aggrave.

 

Ce qui reste en tout cas comme une évidence, c'est la nécessité de lutter pied à pied contre l'obscurantisme qui, du coeur de l'Afrique au fin fond du Texas, reste largement présent sur cette triste terre.

 

La liberté commence où l'ignorance finit.”
Victor Hugo

 

Quarante ans c'est donc très peu pour apprendre et comprendre -en vrac- l'histoire de l'humanité, l'histoire des religions, l'histoire des philosophies, l'histoire des sciences... en tirer quelques leçons et en même temps faire un bilan en temps réel de connaissances qui évoluent chaque jour !

 

Qui donc le peut ?

 

Sûrement pas les philosophes autoproclamés qui envahissent nos media depuis 30 ans (hélas pour un Levi-Strauss, un Foucault, ... combien de BHL, de Finkielkraut, de Gluskmann, de Ferry ...  gourous labellisés  finissant dans de médiocres cabinets ministériels !).

 

Sachant que vouloir tout comprendre c'est prendre le risque de ne rien comprendre, il nous faut donc donc pêcher, ici ou là, de quoi construire notre propre savoir, élaborer une vision de la société, de l'économie, des sciences...non pervertie par les idéologies dominantes - tous ces prêt-à-penser que l'on nous distille à longueur d'antenne et de colonnes !

 

 

L'engagement

 

Le XXème siècle,  celui de la boucherie de 14-18, des génocides arménien, assyrien, du Goulag, de l'Holocauste, des massacres coloniaux, des khmers rouges...de Staline, de Hitler, de Franco, de Pol Pot... restera sans doute dans l'histoire comme celui du sang, de la douleur et des larmes.

 

Certes, parodiant Brassens, on pourrait dire que l'histoire avait déjà à son palmarès quelques beaux trophées : de Gengis Khan au massacre des Indiens d'Amérique... en passant par les conquistadors, on a toujours trucidé, éventré, égorgé, lapidé, liquidé... avec application, obstination, conviction, parfois allégresse, souvent avec la bénédiction des religions.

 

Mais on génocidait avec amateurisme ! Le XXème siècle a mis du rationalisme, de la logique, de la science... dans la liquidation de masse.

Staline, Hitler, Pol Pot : toujours plus haut, toujours plus loin, toujours plus fort au hit parade des tyrans sanguinaires !

 

Au milieu de ces carnages, il restera le cri,  la révolte, le combat pour l'émancipation de quelques hommes et femmes de courage et de conviction.

 

En France, dans ce combat, l'extraordinaire trio de l'Ecole Normale Supérieure du milieu des années 20, constitué de Sartre, Nizan et Beauvoir (avec un quatrième mousquetaire qui est Aron) a une place essentielle.

 

Je l'avoue, sur le plan de l'engagement -avec ce qu'il comporte d'excès, de sincérité, de courage, de désespoir- celui qui me convainc le plus est Paul Nizan.

 

Nizan est mort à 35 ans, stupidement, d'une balle perdue, durant la drôle de guerre. Tout un symbole pour une trajectoire riche, sans tâche, sans concession.

 

Membre du parti communiste, plume majeure de son organe officiel, il est un des très rares à dénoncer avec virulence le pacte germano-soviétique. Il subira alors de la part de ce parti le traitement habituel réservé aux "traitres" ; il fût même présenté comme "un indicateur de police" par Aragon.

 

Pendant 20 ans on l'oublia, car "il ne fallait pas désespérer Billancourt". Ce n'est qu'en 1960 que la préface de Sartre pour la réédition, chez François Maspéro, d'"Aden Arabie", le remit dans la lumière qu'il n'aurait jamais dû quitter : celle des Justes.

 

 

 

 

" Le courage, c'est de chercher la vérité et de la dire, c'est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe et de ne pas faire écho aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques " 


Jean JAURES (Juillet 1903)

 

 

 

Le racisme : plaie de l'humanité !

Le racisme je l’ai côtoyé dès mon enfance à Bordeaux. Nous habitions un deux pièces dans un quartier peu reluisant entre les Capucins et les quais. Le soir je faisais mes devoirs chez une voisine encore plus démunie que nous.

Son obsession c’était la racaille espagnole, la tribu des misérables réfugiés de l’Espagne franquiste. A Tarbes mon répétiteur d’espagnol me raconta plus tard le désespoir des républicains face à l'accueil de la France du Front populaire et la souffrance de  son exil. Ancien Recteur de Salamanque il vivait seul dans un studio avec pour tout décor un portrait de Fréderico Garcia Lorca, son idole.

 

         A Mérignac nous avions pour voisin un couple mixte. Gina l’épouse italienne était venue dans notre pays avec toute sa famille dans les années 20. Ses parents ouvriers agricoles dans une grande ferme du Lot et Garonne avaient subi les sarcasmes et les brimades réservés aux « macaronis ». A 10 ans elle était dans les champs et ne savait qu’à peine lire et écrire. La cité Emile Joyaux était pour elle un signe de réussite sociale ; elle n’avait de cesse de venir vers nous qui ne la repoussions pas.

 

         J’ai eu la chance d’être dès ces moments là imperméable à tout discours discriminatoire. J’en ai perçu très vite la bêtise et les fondements douteux. Mon aversion pour toute forme d’injustice qui prit corps chez moi avec mes premières perceptions de l’organisation de notre société, fit un rempart aux catalogues des idées reçus à propos de la supériorité de telle race, de tel groupe social. Bien sûr je ne fus pas toujours indifférent à mon environnement, mais j’ai toujours essayé de confronter ce qui m’était inculqué avec ce que je pouvais comprendre.

 

         Le racisme a pour terreau fertile la détresse des plus pauvres ; ceux à qui l’on désigne, quand tout va mal, des boucs-émissaires, encore plus pauvres et plus malheureux, évacuant ainsi  la faillite et les turpitudes des puissants. La montée du nazisme en Allemagne, de Le Pen en France, en témoignent.

 

Mais il y a aussi le réflexe plus malsain de la peur de l’Autre, du repli sur soi, du refus de la connaissance, de la volonté plus ou moins consciente de nier l’universalité de la condition humaine.

 

         La lutte contre le racisme n’a jamais vraiment été une cause très populaire. Elle a même été souvent détournée au profit de catégories particulières de discriminés, notamment les juifs, ce qui pouvait se comprendre au lendemain de la guerre, mais pas 50 ans plus tard.

 

Hélas, parfois il ne s’agit plus d’antiracisme mais de lobbying, de récupération. Le philosophe raciste Alain Finkielkraut (" l’équipe de France black-beur est la risée de l’Europe " ) est une bonne illustration de ces antiracistes sélectifs prompt à dénoncer l’antisémitisme en accablant les jeunes issus de l’immigration.

 

Politique et éthique est-ce vraiment compatible ? Un cas d'école : François Mitterrand

 

Depuis le début du XXème siècle, trois hommes seulement auront incarné ce fameux peuple de gauche et réalisé l'unité de ses composantes : Jaurès, Blum et Mitterrand. L'état actuel de la gauche - et de notre société - ne permettent pas d'envisager l'avènement prochain du quatrième mousquetaire !

Que le futur élu de la gauche à la présidence ne s'y trompe pas ; il devra son succès à l'incroyable nullité du titulaire actuel et non à une adhésion à des valeurs qui n'apparaissent hélas plus comme un recours...

 

Mitterrand, 30 ans... soyons nostalgiques...  le temps d'une commémoration !

 

Comme beaucoup d'hommes de gauche de ma génération j'ai été- je l'avoue- fasciné par le parcours de  François Mitterrand (une trajectoire à la Rastignac disait François Mauriac), par un talent, par un souffle, par une détermination et un courage qui faisaient oublier des convictions fluctuantes, souvent très éloignées de nos idéaux !

 

Mitterrand avait une plume et une voix.

 

J'ai lu ses derniers ouvrages, plus convaincants quand ils évoquent Vézelay que lorsqu’est esquissé une approche du marxisme.

 

J'ai vu l'homme en meeting, bluffé par le brillant exercice de style d'un orateur capable de retracer, de Jaurès à Mendès, en passant par Blum, l'histoire de la gauche française... sous les vivats mêlés de trotskystes, communistes, cégétistes, cédétistes, socialistes, radicaux et même gaullistes de gauche... lui qui n'était rien de tout cela !

 

En fait, j'ai toujours eu le sentiment que Mitterrand n'était ni de droite, ni vraiment de gauche... mais profondément français... français dans l'acception américaine du terme : complexe, cultivé, intello, détaché de l'argent (même s'il n'a pas dédaigné les "facilités" attachées à la pratique du pouvoir... mais cela aussi - hélas - c'est bien français !), épicurien, dilettante à ses heures et avant tout homme LIBRE.

 

Je n’ai pas été déçu par l’homme Mitterrand. Ebranlé certes par son amitié pour l’horrible Bousquet, mais les accusations d’antisémitisme sont absurdes quand on connaît son affection pour Georges Dayan, sa proximité avec Claude Estier, Jacques Attali et bien d’autres juifs omniprésents dans son entourage.

 

Pas déçu par l’homme, mais évidemment souvent irrité par le politique (même si la plupart de ses 110 propositions de campagne en 1981 ont été tenues y compris l'abolition de la peine de mort) et dépité par ce second mandat avant tout destiné à faire barrage à deux hommes qu’il détestait, Chirac et Rocard. Hélas, il ne s’était pas trompé sur ces deux là, médiocres ou velléitaires.

 

La trajectoire de Mitterrand me conforta - s'il en était besoin - dans la volonté de ne jamais idolâtrer quiconque, de toujours donner la préférence aux idéaux, aux convictions par rapport aux hommes et aux organisations.

J’ai haï toute forme d’embrigadement, toute camisole idéologique, tous ces ouvrages du prêt-à-penser que les philosophes et les élites offrent aux peuples du haut de certitudes… dont ils changent avec d’autant plus de facilité que leur position dans la cité se renforce.

 

Regardons ce que les amis les plus proches du dernier président de gauche sont devenus, les Dumas, Lang, Gallo, Kiejman, Attali, Kouchner, Charasse... Pour un Badinter, combien de courtisans, de carriéristes... combien de ceux que j'appelle les gamellistes ?

 

La Vème République n'a produit que deux chefs d'état dignes de la fonction : un faux homme de droite, De Gaulle et un pseudo homme de gauche, Mitterrand.

 

A eux deux ils cumulent la mise en place de TOUS les acquis sociaux de notre pays depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

 

Tous les deux ont su faire entendre la voix et les valeurs de notre république dans le monde.

 

Ce n’est déjà pas si mal !

  mai 2011

 

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10 mai 1981
10 mai 1981, François Mitterrand préside
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"La République en danger": est le thème de la dernière livraison d'Après-demain (N°17, 1er trimestre 2011). On y trouve l'éloge d'un homme de gauche que j'ai toujours beaucoup respecté, Pierre Mendès-France, par un autre homme de gauche éminemment respectable : Pierre Joxe.

Pierre Joxe, comme PMF, est une homme de rigueur, tout le contraire de ces "courtisans" de gauche, genre Lang, Dumas et consorts.

 

On peut lire ce texte dans Mediapart. Voici un tout petit extrait :

 

"Il a beaucoup entrepris. Il a souvent échoué. Mais il n'a jamais transigé sur les principes auxquels il tenait. Qu'on en juge par l'affaire des Jeux olympiques de 1936, à Berlin.

Cette année-là, en Europe et en France, les démocrates hésitaient à participer à des Jeux organisés par Hitler, qui allaient donner une publicité au nazisme ... un vote eut lieu à la Chambre des députés. Les députés socialistes et communistes choisirent de... s'abstenir, craignant de ne pas être compris par... les amis du sport.

Un seul député de gauche refusa cette lâcheté et vota contre. Un seul : Pierre Mendès France."

 

Il cite aussi une phrase terrible de JM Le Pen à l'assemblée nationale :


 « ... vous cristallisez sur votre personnage un certain nombre de répulsions patriotiques et presque physiques... »

Melting pot