"L’eau claire ; comme le sel des larmes d’enfance,

l’assaut au soleil des blancheurs des corps de femmes ;

la soie, en foule et de lys pur, des oriflammes

sous les murs dont quelque pucelle eut la défense ;

l’ébat des anges ; — Non… le courant d’or en marche,

meut ses bras, noirs, et lourds, et frais surtout, d’herbe. Elle

sombre, avant le Ciel bleu pour ciel-de-lit, appelle

pour rideaux l’ombre de la colline et de l’arche."

A. Rimbaud, Mémoire

 

 

L'émoi, les mots, les maux qui restent...

  "Qu'ils soient éloignés ou récents, flous ou précis, conscients ou cachés, les souvenirs établissent un lien entre le présent et le passé et nous permettent de projeter nos pensées dans le futur. Mais les souvenirs ne sont pas immuables; au lieu de cela, ils évoluent continuellement tout au long de leur vie. A partir du moment où ils sont créés, ils se lancent dans un parcours dynamique, au cours duquel ils sont consolidés, souvent mis à jour, mais aussi parfois déformés au point de falsifier le passé. "

Nature neurosciences, Focus sur la mémoire

 

Savez-vous évaluer votre propre mémoire ?

Si vous avez moins de 50 ans peut-être pas...

Mais si l'heure de la retraite a sonné - même en bon ordre - c'est un exercice qui peu à peu s'impose.

 

Quelle confiance accorder à ses propres souvenirs ?

 

Les mécanismes de la mémoire : une extraordinaire complexité

Une vue du cerveau (sillons) en neuroimagerie
Une vue du cerveau (sillons) en neuroimagerie

Les progrès de la science du cerveau sont corrélés à ceux observés en neuroimagerie (notamment magnétique).

 

C'est notamment le cas dans le déchiffrage des processus engagés dans la "mémoire" qui comporte trois étapes : l'enregistrement de données, le stockage et la restitution.

 

Pour cela, cinq systèmes de mémoire sont concernés, avec des  réseaux neuronaux distincts mais interconnectés :

La mémoire de travail (à court terme) est au cœur du réseau.

La mémoire sémantique et la mémoire épisodique sont deux systèmes de représentation consciente à long terme. 

La mémoire procédurale permet des automatismes inconscients.

La mémoire perceptive est liée aux sens.

 

ARTICLE de L'INSERM ICI

 

 

De très gros moyens sont maintenant mis au service des chercheurs en neurosciences et peu à peu notre cerveau se dévoile.

 

La notion de plasticité cérébrale est très récente, elle a ouvert un immense chantier. Tous les jours -ou presque- de nouveaux résultats viennent éclairer ou au contraire obscurcir l'horizon des chercheurs.

 

Par exemple, on vient de découvrir que des souris ayant une mutation "alzheimer" étaient capables de stocker des souvenirs sans pouvoir cependant les retrouver seules.

 

Ces mêmes chercheurs ont ensuite montré que certains types de souris mutantes pouvaient retrouver cette mémoire après électrosimulation (par lumière pulsée).

Apparemment ils ont réussi ainsi à renforcer les connexions entre l'hippocampe et une autre région du cerveau appelée  cortex entorhinal, une connexion qui sert de mémoire de stockage à long terme.

 

Même si ces résultats ne sont pas forcément transposables chez l'humain, c'est un petit caillou blanc sur le long chemin du déchiffrage du fonctionnement de la mémoire.

 

Métamémoire

 

" La mémoire est vitale pour former l'identité d'une personne et fournir le sens stable de la réalité dont nous avons besoin pour fonctionner dans la vie quotidienne. Malgré l'importance fondamentale de la mémoire, sa base dans le cerveau reste en grande partie mystérieuse. Les tentatives pour développer des modèles informatiques du cerveau montrent que la mémoire est beaucoup plus complexe - et souvent contre-intuitive - que n'importe quel système imaginé par les concepteurs de logiciels. Un souvenir peut non seulement s'estomper et disparaître, mais être falsifié...

 Malgré des progrès rapides, [les scientifiques] sont encore loin de comprendre les processus neuronaux grâce auxquels une mémoire à part entière est formée, stockée et récupérée..."

Emily Underwood et  Peter Stern, Science, Novembre 2017

 

Ce texte est la présentation d'un Topic sur la mémoire. Il donne un aperçu des progrès récents de la recherche sur la mémoire, allant de la base moléculaire de l'apprentissage, à la pathologie des maladies neurodégénératives (Alzheimer...).

Il présente un article passionnant à propos de l' autoévaluation de la mémoire, processus mental nommé métamémoire.

 

Réseaux de neurones impliqués dans la rétrospection

Les structures cérébrales et les mécanismes neuronaux impliqués dans la métamémoire sont complètement inconnus.

La métamémoire est la capacité de mesurer quel est le degré de fiabilité d'un souvenir.

Vous partez en vacances vous pensez avoir éteint la lumière. Vous mettez le contact, saisi d'un doute vous cherchez à évaluer le degré de certitude de votre sentiment.  A ce moment là votre métamémoire se met au travail. 

Jusqu'à très récemment, les scientifiques pensaient que seuls les humains étaient dotés d'une métamémoire.

Aujourd'hui ils s'accordent sur le fait que certains animaux non humains  -autres primates, oiseaux, rongeurs - "réussissent" dans des tâches métacognitives.

La métamémoire de singes rhésus a notamment fait l'objet de plusieurs investigations.

 

Des chercheurs japonais viennent de publier une étude, qui, pour la première fois, désigne une zone du cerveau préfrontal comme principalement impliquée dans la prise de décision méta-mnémonique.

 

Miyamoto et al. ont conçu un  test pour localiser la métamémoire chez les macaques, dans lequel les singes ont jugé leur propre confiance dans le souvenir de récompenses passées.

 

Grâce à l'imagerie cérébrale fonctionnelle (IRMf), ces chercheurs ont identifié les substrats neuraux de la métamémoire engagés dans la rétrospection. 

Une région spécifique du cerveau préfrontal s'est révélée  essentielle pour la prise de décision. L'inactivation (réversible) de cette région a causé une altération sélective de la métamémoire, mais pas de la mémoire elle-même.

 

Sur la mémoire/métamémoire/imagination, on peut lire :

 

La métamémoire : théorie et cliniqueAnne-Pascale Le Berre et al., INSERM-EPHE (2009)

Métamémoire comme preuve de la conscience animale, Nicholas Shea, Cecilia Heyes, Biol Philos . 2010 Jan; 25 (1): 95-110.

-Les mémoires d’un oublieux : le point de vue d’un amnésique, Catherine Thomas-Anterion et Virginie Desestret, Université Lyon2/Hospices civils de Lyon (2017)

- De la mémoire à la prospection: quels sont les éléments qui se chevauchent et qui sont distincts entre le souvenir et l'imagination ?Huimin Zheng , Jiayi Luo et Rongjun Yu, Frontiers in Psychology (2014)

 

 

  

Les maladies neurodégénératives

La revue Nature vient de publier un supplément à propos du vieillissement du cerveau et des maladies neurodégénératives.

La prévalence de ces pathologies augmente et pas seulement à cause de l'augmentation de la durée de vie.

 

La science est impuissante face à ces troubles, aussi les chercheurs  multiplient-ils les efforts pour en établir l'origine.

 

A lire en particulier la mise au point concernant le vieillissement du cerveau, où le temps qui s'écoule laisse une trace actuellement indélébile... Mais demain ? 

Sera-t-il possible, demain, de remettre l'horloge à zéro ? Certains l'envisagent déjà !

 

Maladie d'Alzheimzer

La maladie d’Alzheimer est une affection irréversible. Les médicaments dont on dispose actuellement ne peuvent pas guérir la maladie. Ils permettent uniquement - surtout dans la phase initiale - de freiner la régression du patient.

Les médicaments administrés sont symptomatiques, ils ne traitent pas les causes de la pathologie. De plus, ils peuvent induire de multiples effets secondaires.

Ces médicaments ciblent deux neurotransmetteurs :

- l'acétylcholine, dont le taux est effondré chez les malades, ce sont les inhibiteurs de l’acétylcholinestérase,

- le glutamate, dont la concentration est trop élevée.

 

VOIR SUR LE SITE : Les neurotransmetteurs messagers chimiques

 

Pourtant la recherche fait feu de tout bois, notamment pour réduire les fameuses plaques amyloïdes. Tout récemment des résultats importants ont été publiés par des chercheurs de l'ETH Zurich. Ils ont montré que l'aducanumab, un anticorps monoclonal humain se liait aux plaques amyloïdes, permettant aux cellules microgliales  de supprimer les dépôts.

 

La recherche progresse lentement

TEP montrant des dépôts de protéine Tau dans le cerveau de personnes en bonne santé (en haut) et ceux avec Alzheimer (en bas). Les zones rouges indiquent les dépôts de tau
TEP montrant des dépôts de protéine Tau dans le cerveau de personnes en bonne santé (en haut) et ceux avec Alzheimer (en bas). Les zones rouges indiquent les dépôts de tau

 

La protéine Tau, et non l'amyloïde, pourrait être le principal moteur des symptômes de la maladie d'Alzheimer.

 Une nouvelle étude d'imagerie de 10 personnes ayant une démence légère suggère que les dépôts de protéine Tau - et non d'amyloïde - sont étroitement liés à des symptômes, tels que la perte de mémoire et la démence.

 

 De très nombreux travaux ont démontré que les personnes atteintes de la MA ont beaucoup plus de plaques ß- amyloïdes dans leur cerveau que les personnes non atteintes. Pourtant on sait qu'environ 30% des personnes sans aucun signe de démence ont un cerveau rempli de ß -amyloïde.

Le rôle "complice" de la protéine Tau est suspecté. Une étude récente par imagerie TEP utilisant un agent de contraste semble le vérifier.

 

 

Un médicament pour traiter la maladie d'Alzheimer ?

Une annonce prématurée ?

La Food and Drug Administration a approuvé le premier nouveau médicament contre la maladie d'Alzheimer en près de deux décennies, une décision controversée prise malgré l'opposition du comité consultatif indépendant de l'agence et de certains experts de la maladie d'Alzheimer qui ont déclaré qu'il n'y avait pas suffisamment de preuves que le médicament peut aider les patients.

 

Le médicament, l'aducanumab, qui portera le nom de marque Aduhelm, est une perfusion intraveineuse mensuelle destinée à ralentir le déclin cognitif chez les personnes souffrant de légers problèmes de mémoire et de réflexion.

 

La FDA a cependant demandé à Biogen, son fabricant, de procéder à un essai de phase 4 pour confirmer son efficacité.

Il faut noter que le comité consultatif de la FDA , ainsi qu'un groupe de réflexion indépendant et plusieurs experts éminents – dont certains médecins atteints de la maladie d'Alzheimer qui ont travaillé sur les essais cliniques d'aducanumab – ont déclaré que les preuves soulevaient des doutes importants quant à l'efficacité du médicament. Ils ont également déclaré que même si cela pouvait ralentir le déclin cognitif chez certains patients, le bénéfice suggéré par les preuves serait si faible qu'il ne l'emporterait pas sur le risque de gonflement ou de saignement dans le cerveau causé par le médicament lors des essais.

Biogen, qui a déposé une demande d'examen réglementaire dans l'Union européenne, au Japon, au Brésil... a annoncé lundi après-midi que le prix catalogue serait de 56 000 $ par an... sans compter tous les examens de contrôle régulier par imagerie cérébrale.

 

Voir ci-dessous l'article que j'écrivais en 2019, suite à l'abandon des essais de phase 3 de l'aducanumab. On comprend mieux les réticences d'aujourd'hui.

 

VOIR : " L'approbation d'un médicament contre la maladie d'Alzheimer déconcerte la communauté de la recherche"

De quoi s'agit-il ?

Aduhelm est un anticorps monoclonal qui cible une protéine, la bêta-amyloïde, qui s'agglutine en plaques dans le cerveau des patients atteints de la maladie d'Alzheimer et est considérée comme un biomarqueur de la maladie. 

Une chose sur laquelle les critiques et les partisans de l'approbation s'accordent est que le médicament réduit considérablement les niveaux d'amyloïde.

 

Cependant, réduire les plaques d'amyloïde n'est pas la même chose que ralentir les symptômes de la démence.

 Au cours de plus de deux décennies d'essais cliniques, de nombreux médicaments anti amyloïdes n'ont pas réussi à réduire les symptômes de la maladie.

 

De plus, certains chercheurs pensent que la protéine Tau, et non l'amyloïde, pourrait être le principal moteur des symptômes de la maladie d'Alzheimer.

 Une étude d'imagerie sur des patients ayant une démence légère suggère que les dépôts de protéine Tau - et non d'amyloïde - sont étroitement liés à des symptômes, tels que la perte de mémoire et la démence.

 

Si de très nombreux travaux ont démontré que les personnes atteintes de la MA ont beaucoup plus de plaques ß- amyloïdes dans leur cerveau que les personnes non atteintes, on sait qu'environ 30% des personnes sans aucun signe de démence ont un cerveau rempli de ß -amyloïde.

 

Le rôle "complice" de la protéine Tau est donc suspecté. Une étude récente par imagerie TEP utilisant un agent de contraste semble le vérifier.

 

 

SUR LE SITE : La mémoire et l'oubli

 

"L’eau claire ; comme le sel des larmes d’enfance,

l’assaut au soleil des blancheurs des corps de femmes ;

la soie, en foule et de lys pur, des oriflammes

sous les murs dont quelque pucelle eut la défense ;

l’ébat des anges ; — Non… le courant d’or en marche,

meut ses bras, noirs, et lourds, et frais surtout, d’herbe. Elle

sombre, avant le Ciel bleu pour ciel-de-lit, appelle

pour rideaux l’ombre de la colline et de l’arche."

 

A. RimbaudMémoire

Le lecanemab réduit les marqueurs de l'amyloïde

Un nouvel anticorps monoclonal testé

Le lecanemab a réduit les marqueurs de l'amyloïde au début de la maladie d'Alzheimer et a entraîné une baisse modérément moindre des mesures de la cognition et de la fonction que le placebo à 18 mois, mais a été associé à des événements indésirables.

 

 Des essais plus longs sont nécessaires pour déterminer l'efficacité et l'innocuité du lecanemab au stade précoce de la maladie d'Alzheimer.

Article de MAI 2019  (sur l'échec de l'aducanumab) :

Alzheimer : retour aux fondamentaux

Le nouvel échec d'un candidat médicament, venant après beaucoup d'autres, confirme que les chercheurs sont encore très loin de la solution dans le traitement de cette pathologie redoutable et en pleine expansion.

 

Biogen à Cambridge (Massachusetts) et Esai à Tokyo qui développaient l'aducanumab viennent d'annoncer leur  décision de suspendre leurs essais de phase III après avoir pris connaissance de l'avis d'un comité indépendant indiquant qu'il était peu probable que le médicament ralentisse le déclin cognitif comme prévu. 

 

Cette molécule est un anticorps conçu pour se lier et éliminer les plaques collantes de β-amyloïde suspectées d'être à l'origine de la maladie en s'agglutinant autour des neurones, en bloquant leur communication et, finalement, en les tuant. 

 

Pourtant la piste "anti amyloïde" semblait être la plus prometteuse...

 

Certains pensent que les plaques amyloïdes étaient déjà trop importantes dans l'échantillon utilisé pour l'essai clinique, constitué de personnes atteintes de formes précoces et légères de la maladie d'Alzheimer.

 

D'autres anticorps sont en cours d'études, notamment sur des patients asymptomatiques présentant une accumulation d’amyloïde (solanezumabcrenezumab)... avec des résultats actuellement décevants.

 

Parmi les approches non amyloïdes, des molécules ciblant la protéine tau qui s'accumule dans les neurones du cerveau des malades sont à l'étude... mais là aussi les chercheurs patinent... et reviennent au fondamental, c'est à dire à une meilleure connaissance du cerveau.

 

Alzheimer et mutation génétique

 Des recherches publiées récemment montrent pour la première fois que les porteurs d'une certaine mutation génétique ne peuvent développer la maladie d'Alzheimer .


 Cette découverte suggère aussi que la maladie pourrait simplement être une forme extrême du déclin cognitif observé chez beaucoup de personnes âgées. 


La mutation se situe dans un gène qui produit la protéine précurseur du peptide amyloïde β-(APP), qui a un rôle mal connu dans le cerveau mais qui est depuis longtemps soupçonné d'être au cœur de la maladie d'Alzheimer.

 

Traitement préventif de la maladie d'Alzheimer : essai clinique à grande échelle en Colombie

Le Crenezumab (anticorps monoclonal humanisé), molécule développée par le laboratoire américain Genentech, qui cible les plaques d'amyloïde, considérées comme le principal responsable de la maladie d'Alzheimer par une majorité de neurologues, va être testé à grande échelle.

L'essai clinique porter sur 300 sujets asymptomatiques, membres d'une famille de 5.000 personnes vivant en Colombie, dont la plupart ont de très fortes prédispositions génétiques au développement précoce de la maladie (dès 40 ans).

 

 

 

 

Alzheimer : le drame du dépistage précoce sans traitement possible

Les progrès rapides et considérables de l'imagerie (en particulier fonctionnelle), permettent de diagnostiquer les lésions cérébrales -dont la maladie d'Alzheimer- à des stades de plus en plus précoces.

La tomographie par émission de positons (TEP ou Pet-Scan) est particulièrement adaptée et performante pour cet usage. 

 

Le New York Times rapporte à ce propos le cas d'un couple dont la femme vient de subir une détection précoce (sa mère avait développée la maladie à la cinquantaine) et qui se trouve totalement désemparée devant l'absence de perspectives thérapeutiques.

 

 

 

 

 J-E Reinhardt
J-E Reinhardt

 

LIRE sur le SITE :

 

 

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