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Camus : 100

Il y a un peu plus de 3 ans nous commémorions le cinquantenaire de sa disparition ; aujourd'hui, 7 novembre 2013, Albert Camus aurait eu 100 ans.

 

Et l'on voit refleurir les mêmes caricatures, les mêmes papiers d'hagiographes qui béatifient l'Oranais pour mieux démolir Sartre. Façon Onfray.

 

Peu m'en chaut ! Si j'ai toujours aimé lire Camus, j'ai aussi toujours pensé que sur la décolonisation et surtout à propos de l'Algérie, il s'était fourvoyé. La faute à une Mère, analphabète et quasi sourde-muette, qu'il vénérait ?

 

 Mais Camus a écrit le singulier :

 

« Aujourd’hui maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme de l’asile : "Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués." Cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier. »

 

Ou encore ceci :

 

 « Le soleil qui naît, une humidité qui s’attarde, des montagnes au loin qui surgissent lentement des brumes, toute une transparente poésie enfin se balance dans l’air sonore et cristallin. De ces moments sourd une espèce d’éternité faite à notre mesure. Derrière la vitre qu’est la nature, apparaît lentement l’espèce d’une seconde, un fantôme d’éternité. De ce fantôme nous nous satisfaisons. Il devrait nous désespérer, (…). A ces moments le monde paraît laisser échapper comme par mégarde, un peu de son secret. »

 

Et ceci :

 

« Je me souviens du moins d’une grande fille magnifique qui avait dansé tout l’après-midi. Elle portait un collier de jasmin sur sa robe bleue collante, que la sueur mouillait depuis les reins jusqu’aux jambes. Elle riait en dansant et renversait la tête. Quand elle passait près des tables, elle laissait près d’elle une odeur mêlée de fleurs et de chair. Le soir venu, je ne voyais plus son corps collé contre son danseur, mais sur le ciel tournaient les taches alternées du jasmin blanc et des cheveux noirs, et quand elle rejetait en arrière sa gorge gonflée, j’entendais son rire et voyais le profil de son danseur se pencher soudain. L’idée que je me fais de l’innocence, c’est à des soirs semblables que je la dois. Et ces êtres chargés de violence, j’apprends à ne plus les séparer du ciel où leurs désirs tournoient. »

 

Mais aussi ceci :

 

 « Le monde est ce qu'il est, c'est-à-dire peu de chose. C'est ce que chacun sait depuis hier grâce au formidable concert que la radio, les journaux et les agences d'information viennent de déclencher au sujet de la bombe atomique.


On nous apprend, en effet, au milieu d'une foule de commentaires enthousiastes, que n'importe quelle ville d'importance moyenne peut être totalement rasée par une bombe de la grosseur d'un ballon de football.

Des journaux américains, anglais et français se répandent en dissertations élégantes sur l'avenir, le passé, les inventeurs, le coût, la vocation pacifique et les effets guerriers, les conséquences politiques et même le caractère indépendant de la bombe atomique.


Nous nous résumerons en une phrase: la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l'utilisation intelligente des conquêtes scientifiques…


 Devant les perspectives terrifiantes qui s'ouvrent à l'humanité, nous apercevons encore mieux que la paix est le seul combat qui vaille d'être mené


 Albert Camus, éditorial de « Combat », 8 août 1945.

 

A ce moment-là, il fut quasiment le seul à dénoncer l’emploi de la bombe.

 

Minuscules fragments d'une vie et d'une œuvre qui à jamais vous attachent à l'artiste, au savant, à l'architecte ou au philosophe... le propre du génie !