« Tant qu'on n'aura pas diffusé très largement à travers les hommes de cette planète la façon dont fonctionne leur cerveau, la façon dont ils l'utilisent et tant que l'on n'aura pas dit que jusqu'ici cela a toujours été pour dominer l'autre, il y a peu de chance qu'il y ait quoi que ce soit qui change. »
Henri Laborit « Mon oncle d’Amérique »
Je vais évoquer ici la chimie (biochimie) du cerveau en décrivant la structure et le rôle de ces messagers chimiques appelés neurotransmetteurs.
On sait que les courants électriques chargés de propager l’influx nerveux le long des axones sont incapables de franchi
r la fente synaptique. La transmission à travers cet espace est réalisée grâce aux neurotransmetteurs.
Le cerveau
Au préalable il est bon de revoir les fondamentaux à propos du cerveau.
Très peu compétent en anatomie et physiologie, je vous renvoie à deux sites vulgarisateurs de bonne qualité :
- on trouvera une description anatomique sur le site Anatomie humaine,
- on aura un aperçu assez complet sur le site généraliste Le cerveau à tous les niveaux, financé par l'Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies (INSMT), l'un des 13 instituts de recherche dans le domaine de la santé du Canada (IRSC).
Les trois cerveaux
En fait nous n’aurions pas un… mais trois cerveaux qui retracent l'évolution de l'humanité :
- le cerveau reptilien (le cerveau des comportements de survie immédiate : boire, manger, se reproduire),
- le cerveau limbique (celui de l’affectivité, de la mémoire),
- le cerveau cortical (qui permet de créer, de réaliser un processus imaginaire… le propre de l’homme ?!).
Cette théorie du cerveau triunique - due à Paul Mac Lean (1969)- repose sur le fait que l'évolution du cerveau humain s'est faite en plusieurs phases, qui correspondent à l'apparition des différentes classes phylogénétiques d'animaux. Le cortex (écorce) cérébrale est la structure la plus récente, elle est située à la périphérie du cerveau. Il n'aurait que 3.6 millions d'années.
Le neurobiologiste (mais aussi étho(euto)logue, philosophe…) Henri Laborit (qui a inspiré le film d’Alain Resnais,Mon oncle d’Amérique) à repris, remanié et développé le concept de Mac Lean.
Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur le fonctionnement du cerveau et des comportements qui en découlent. Dans « L’agressivité détournée », il décrit ainsi le rôle du cortex orbitalaire :
" Ce cortex orbito-frontal représente dans sa partie antérieure non spécifique, ce que nous avons souvent appelé " le mélangeur ". Mélangeur de quoi ? Mélangeur des éléments mémorisés, aboutissant à la construction de nouvelles structures. Nous savons que le vieux cerveau des mammifères en fait déjà tout autant à partir des acquis sensoriels. Le cortex orbitaire réalisera le " mélange ", l'association à un niveau d'intégration supérieur, à partir des images, en d'autres termes à partir des activités nerveuses, déjà intégrées dans le cerveau sous-cortical."
Mais ces associations ne se font pas au hasard, elles sont elles-mêmes motivées et elles le sont par des connexions sous-jacentes, par les affects, par les pulsions, les émotions et les expériences engrammées (Trace biologique de la mémoire)."
Henri Laborit, L'Agressivité détournée (1970)
Dans cette " Introduction A une Biologie du Comportement Social ", autre titre de l'ouvrage, le neurobiologiste propose, à partir du fonctionnement du cerveau, une origine pour nos comportements :
Les trois étages du cerveau doivent fonctionner ensemble et, pour cela ils sont reliés par des faisceaux :
- le faisceau de la récompense (dont j’ai déjà pas mal parlé),
- le faisceau de la punition (qui débouche sur un comportement de fuite ou de lutte)
- le faisceau de l’inhibition de l’action.
A partir de là, on observe 4 types de comportements :
- le comportement de consommation. C’est le plus basique, il n’a pour but que d’assouvir les besoins fondamentaux,
- le comportement de gratification. On essaie de renouveler toute expérience qui aboutit au plaisir,
- le comportement en réponse à la punition : soit par la fuite qui l’évite, soit par la lutte.
Si la lutte est victorieuse, on retrouve le plaisir et la gratification, sinon retour à la case punition.
- le comportement d’inhibition qui provoque angoisse ou stress.
C’est ce comportement de loin le plus complexe, qui suscite depuis Freud le plus de travaux.
Pour Laborit, l’humain est donc totalement déterminé par sa biologie (je rajouterai que sa biologie est fonction de sa chimie !) et son milieu. Il ne peut exister entre individus que des relations de dominance.
Dans un ouvrage majeur, L’éloge de la fuite (1976), il écrit notamment :
- à propos de l’amour :
« Le mot de passe qui permet d’ouvrir les cœurs, les sexes, les sacristies et les communautés humaines.Il couvre d’un voile prétendument désintéressé, voire transcendant, la recherche de la dominance et le prétendu instinct de propriété… Il fournit une tunique honorable à l’assassin, à la mère de famille, au prêtre, aux militaires, aux bourreaux, aux inquisiteurs, aux hommes politiques.»
- à propos du bonheur :
« C’est bien dans la fuite vers l’imaginaire qu’il réside. »
- à propos de la liberté :
« Notion difficile à admettre que l’absence de liberté humaine, car elle aboutit à l’écroulement de tout un monde de jugements de valeur sans lequel la majorité des individus se sentent désemparés. L’absence de liberté implique l’absence de responsabilité, et celle-ci surtout implique à son tour l’absence de mérite, la négation de la reconnaissance sociale de celui-ci, l’écroulement des hiérarchies…
Ce que nous appelons liberté, c’est la possibilité de réaliser les actes qui nous gratifient, de réaliser notre projet, sans nous heurter au projet de l’autre. Mais l’acte gratifiant n’est pas libre. Il est même entièrement déterminé. Pour agir, il faut être motivé et nous savons que cette motivation, le plus souvent inconsciente, résulte soit d’une pulsion endogène, soit d’un automatisme acquis et ne cherche que la satisfaction, le maintien de l’équilibre biologique, de la structure organique…
La sensation fallacieuse de liberté s’explique du fait que ce qui conditionne notre action est généralement du domaine de l’inconscient, et que par contre le discours est, lui, du domaine
du conscient. C’est ce discours logique qui nous permet de croire au libre choix. Mais comment un choix pourrait-il être libre alors que nous sommes inconscients des motifs de
notre choix, et comment pourrions-nous croire à l’existence de l’inconscient puisque celui-ci est par définition inconscient ? »
Eloge de la Fuite, Henri Laborit
Mac Lean et Laborit ont depuis été critiqués, contestés… peu importe, ils ont ouvert un chemin qui est loin d’être une impasse.
D’ailleurs, Les trois cerveaux se multiplient !
La sexologue Catherine Solano, par exemple, parle d’un cerveau triunique à propos de sexualité : Le cerveau sexuel pulsionnel, Le cerveau sexuel émotionnel, Le cerveau sexuel cognitif.
Pour moi, il n’y a pas deux cerveaux identiques, il y a des milliards de cortex différents… Il n’y a pas non plus une forme d’intelligence, mais une infinité de formes d’intelligence.
Nous sommes d’ailleurs tous beaucoup plus intelligents que nous ne le pensons : nous sous-utilisons dramatiquement notre cerveau ! Je reviens à la citation initiale de Laborit : apprendre à comprendre le fonctionnement de son cerveau et apprendre à s’en servir, devraient constituer un objectif pédagogique primordial.
" Un groupe international de chercheurs en neurosciences a tranché, imagé et analysé le cerveau d'une femme de 65 ans, pour créer la carte la plus détaillée à ce jour d'un cerveau humain dans son intégralité (voir vidéo).
L'atlas, appelé «Bigbrain», affiche l'organisation des neurones avec une précision microscopique, ce qui pourrait aider à clarifier ou même redéfinir la structure des régions du cerveau obtenue à partir de plusieurs décennies d'études anatomiques. "
Dans une expérience appelée "Communication directe de cerveau à cerveau chez les humains
", des scientifiques américains (Université de Washington) ont été en mesure de commander un cerveau distant, via internet.
L'ordre transmis consistait à contraindre le récepteur à appuyer sur un bouton (qui ne déclenchait pas encore le feu nucléaire
!).
Aucune électrode implantée, le dispositif comporte une casquette dotée d'une bobine de stimulation magnétique.