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Auguste Rodin/Isadora Duncan

L'homme qui aimait la danse et les femmes, la femme qui dansait sa vie

Isadora Duncan by Auguste Rodin
Isadora Duncan by Auguste Rodin

Poser pour Rodin, c'était, pour une femme, accepter que ses yeux et ses doigts gourmands explorent, creusent et pénètrent chaque partie de son corps. 

 

Après cette exploration érotique, le sculpteur déplaçait le flux du désir vers le modèle, le couchant sur la feuille. Avec une grande rapidité, il saisissait les grandes lignes de la pose, souvent langoureuse.

 

Isadora Duncan, qui serait au coeur de certaines statues de Rodin, raconte ainsi ces séances très particulières :

 

 "Ses doigts montent et descendent, courent le long des statues. Il passe la main sur elles, les caresse, murmure leur nom.

Puis il saisit un peu de terre crue et façonne un sein.  En faisant cela, il respirait très fort. Il me regardait, les paupières à demi baissées, les yeux étincelants et, avec l’expression qu’il avait devant ses œuvres, il s’est approché de moi. 

 Il a posé sa main sur mon cou, sur ma poitrine, a caressé mon bras, a passé ses doigts sur mes hanches, mes jambes nues, sur mes pieds nus.

 Il a commencé à pétrir mon corps comme de la glaise tandis qu’il se dégageait de lui une chaleur qui me brûlait et me fondait. "

 

"Je n’avais qu’un désir : lui abandonner tout mon être et je l’aurais fait si, par la faute de mon éducation absurde, je n’avais pas pris peur et ne m’étais reculée. J’ai jeté ma robe par-dessus ma tunique et je l’ai renvoyé tout déconcerté.

Quel dommage ! Combien de fois j’ai regretté cette incompréhension enfantine qui m’a fait perdre la divine chance de livrer ma virginité au grand dieu Pan lui-même !

 

A la fin du XIXe siècle, l'éducation bourgeoise veut que le corps soit dompté, et ses exigences tues, au moyen de cours de maintien, qui dictent dos droit, cou dégagé et port élégant. Le corset diminue la respiration et ralentit la marche. Il est la matérialisation du carcan des esprits, contre lequel lutte Isadora Duncan :

 

''Je prêche la liberté des esprits par la liberté du corps : par exemple, que les femmes abandonnent la prison des corsets pour la liberté fluide q'une tunique comme celle-ci (une tunique blanche de laine ou de coton, à la grecque)''.

 

C'est ainsi qu'en 1906, le couturier Paul Poiret créé une nouvelle collection de haute couture sans corset. La vedette revient alors à ces robes hautes, dont les jupes fluides dites ''à la grecque'', comme les tenues de la danseuse, permettent le libre mouvement. Dans une époque où les femmes n'ont pas de droit politique, où la danseuse en tutu et pointes n'est que l'interprète du chorégraphe masculin, Isadora Duncan pourfend l'académisme de la danse classique et prône l'émancipation des femmes.

 

 

Rodin, le corps féminin en mouvement

Mais il ne fut pas le seul sculpteur à être fasciné par Isadora...

... Antoine Bourdelle aussi !

 

 

Au début du XXème siècle, la belle et très libre Isadora devient ainsi la muse d'un grand nombre de créateurs :

 

''Il était naturel que Bourdelle, avant tous les autres, essayât de transposer dans ses dessins cette sorte de passion didactique, qui rappelle tant la sienne, à rejoindre à travers des formes très étudiées ce qu'il y a de simplement humain en Isadora Duncan comme en lui même. (...) Dans ces croquis pris au vil, Bourdelle a retrouvé chez la danseuse ce double courant intérieur qui l'anime, et traduit le plus riche trésor de mythes et de symboles par les attitudes de la danse, trépidantes, convulsives, échevelées, ondoyantes comme la mer ou les feuilles dans le vent''

Elie faure (''D'Isadora et de la danse'', in Ombres solides, 1934).

 

Ci-dessous, trois croquis de Bourdelle