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Mialet, vallée des Camisards

Au pays des camisards

Pont des camisards - Mialet 12/2019
Pont des camisards - Mialet 12/2019

Parmi les épisodes sanglants des guerres de religion, la révolte des camisards (soldats en chemise ou soldats des chemins) vaut son pesant d'hémoglobine.

Le fanatisme, l'intolérance, les atrocités, sont le lot commun des affrontements entre de soi-disant saints hommes, dont le but principal est d'imposer aux autres, leur foi.

 

L'édit de Nantes (1598) promulgué par Henri IV, a mis fin aux guerres de religion (massacre de la Saint-Barthélemy) sans jamais véritablement les éteindre.

Mais son petit-fils, Louis XIV, supportait mal que deux cultes religieux cohabitent dans son royaume et très rapidement il tenta d'étouffer « l'hérésie protestante ».

En 1681, le monarque décida d'employer la force pour obliger les protestants à abjurer leur foi. Il fit détruire les temples protestants et les écoles. Les réformés doivent se soumettre alors au baptême et au mariage catholiques. Les pasteurs sont condamnés à l'exil.

En mars 1681, il lance les Dragons, un corps d'armée particulièrement féroce, puis son infanterie, sur les terres réformées pour accélérer - par la terreur - les conversions : ce sont les dragonnades.

Dans notre région, le Lubéron (ancien pays vaudois), les Cévennes et les Haut et Bas-Languedoc furent particulièrement touchés, notamment en 1685.

Cette année là, les rapports fournis au Roi faisaient état de conversions massives qui le convainquirent de la quasi disparition des hérétiques. Le 18 octobre 1685 il abroge l'Edit de Nantes, qui selon lui, n'avait plus de raison d'être.

 

Le bilan de cet épisode peu glorieux de l'histoire de France, est catastrophique. Près 300.000 huguenots, issus de la bourgeoisie industrieuse prirent la fuite. Les marchands, manufacturiers et artisans exilés, firent don de leur savoir-faire aux « Pays du Refuge » : la Suisse, l'Angleterre et les Provinces-Unies des Pays-Bas.

  

 « Retirez-vous, sauterelles du puits de l'abîme » 

Phrase prononcée par Castanet, prophète des camisards et garde forestier sur l'Aigoual, face au chanoine venu l'assister, au moment d'être rompu vif sur la place publique de Montpellier, le 26 mars 1705.

 

Les camisards

Cependant, malgré une répression féroce, des assemblées clandestines de réfractaires sont signalées, en particulier en Languedoc, dès 1685.

A partir de 1701, les troubles se multiplient alors que la France est engagée dans la guerre de Succession d'Espagne.

Le 24 juillet 1702, au Pont-de-Montvert, une soixantaine d'hommes, armés de sabres et de faux, menés par Abraham Mazel, pénètrent dans le bourg pour délivrer les protestants détenus et torturés par l'abbé François de Langlade du Chayla, inspecteur des missions des Cévennes. L'abbé est exécuté. Le meurtre de l'abbé du Chayla marque le début de la guerre des Cévennes.

 

L'insurrection qui suit la répression est l'oeuvre des camisards. Les camisards sont pour 42 % des paysans cévenols et pour 58 % des artisans ruraux dont les trois-quart travaillent la laine comme cardeurs, peigneurs, tisserands.

Aucun gentilhomme ne figure parmi les camisards, c’est-à-dire aucun homme formé au métier des armes.

Et pourtant, pendant deux ans, quelques milliers de camisards vont mettre en échec les troupes de Louis XIV, l'une des meilleures armées d’Europe, conduite par deux maréchaux de France.

Ce sont souvent des troupes fanatisées par des prophètes, qui, comme leurs oppresseurs font régner la terreur chez leurs adversaires.

La mort de l'un de leurs chefs,  Rolland, au château de Castelnau-Valence (Gard) le 13 août 1704, marque le début de la fin des camisards. Cependant des troubles sporadiques agitèrent le Languedoc jusqu'en 1710.

 

Deux chefs s'imposent pour la conduite des opérations, autant par l'exaltation de leur foi que par leur habileté tactique, Roland et Cavalier. Roland est chez lui  à Mialet au Musée du Désert.

Sur les 7 500 à 10 000 camisards qui ont pris part à la guerre, au moins 2 000 sont morts au combat et 1 000 ont été exécutés sommairement, 200 ont été exécutés après jugement, par pendaison, supplice de la roue et bûcher. 2 000 ont été emprisonnés ou envoyés à l'armée et 200 condamnés aux galères.

Les historiens estiment que "la guerre des Cévennes" fit plus de 14 000 morts.

 

Les persécutions du royaume de France contre les protestants cesseront définitivement le 7 novembre 1787 avec l'édit de Versailles, dit « édit de tolérance », signé par Louis XVI.

 

Bibliographie : Musée du Désert à Mialet avec notamment les ouvrages de Jean-Paul Chabrol

et un article d'érudit :  La guerre des camisards centre histoire et mémoire : la perpétuelle réinvention du témoignage

Patrick Cabanel

 

 

Mialet, vallée des camisards

Photos JPL - 12/2019

 

 

Ils nous parlent d'un temps que les moins de cent ans ne peuvent pas connaître !

Epithalame - Les Aigladines (Mialet) - 1921
Epithalame - Les Aigladines (Mialet) - 1921
Compoix de Mialet et de ses hameaux (1647)
Compoix de Mialet et de ses hameaux (1647)

Dans ce beau et rude pays de Cévennes, au coeur du magnifique hameau des Aigladines, à Mialet, j'ai pu visiter une maison du XVème siècle où un descendant de ces camisards a pieusement recueilli et restauré toute sorte d'objets, d'outils, de meubles, de vaisselles, de documents, des siècles derniers, qui témoignent de l'histoire de ses courageux ancêtres.

Qui se souvenait de ces merveilleux épithalames - hérités des grecs -, que l'on offrait aux mariés (celui-ci date de 1921).

Qui savait que dès le XIVème siècle, les compoix permettaient de connaître les biens de chacun et d'établir l'impôt ?

 

Document emblématique du Sud de la France, pays de « taille réelle » (où l’imposition portait sur les biens), le compoix d’une communauté contient, sous le nom de chaque propriétaire et par articles séparés, la description de toutes les possessions, leur contenance, leurs confronts (limites), leur nature, leur qualité et leur estimation. Certains compoix, dit cabalistes, énumèrent également les biens mobiliers : cheptel, meubles, industries etc. Le compoix permettait de répartir sur la communauté la part qu’elle devait supporter dans la taille royale du diocèse, additionnée du montant de ses propres dépenses.

C'était aussi une sorte de cadastre rudimentaire, avec description, arpentage et estimation de toutes les parcelles, dans les régions françaises de langue occitane.

 

Au deuxième et dernier étage de cette maison se trouvait la magnanerie.

 

 

Photos JPL - 12/2019