Jean Daniel, que j'ai beaucoup admiré, écrivait à propos d'Eric Woerth dans son blog de juillet dernier : " un visage digne et ténébreux [qui] évoque une immarcescible candeur".
Le Littré traduit pour immarcescible : qui ne peut se flétrir.
Pauvre J. Daniel, la candeur, non plus, n'est plus ce qu'elle était et l'image immaculée du ministre laisse place à un profil de coquin qui s'est servi de sa position au gouvernement pour renflouer les caisses de son parti et accessoirement imposer sa femme auprès de la plus grosse fortune de France. Bon appétit messieurs !
"L'état s'est ruiné dans ce siècle funeste,
Et vous vous disputez à qui prendra le reste !"
Victor Hugo, Ruy Blas
Je l'ai écrit ici, pratiquement tous les éditorialistes le soulignent (sauf évidemment celui du Figaro qui est devenu l'organe de propagande de
l'UMP (sous la férule du sémillant E. Mougeotte), la France est aujourd'hui le seul pays démocratique où un homme, avec une telle carte de visite, peut rester ministre.
__________________
Pauvre éducation nationale ! Elle part à vau-l'eau. Tous les Diafoirus sont à son chevet ; ils viennent dans les media vendre leur bouquin de rentrée. Quant au gouvernement il administre les traitements de nos ancêtres : la saignée annuelle censée redonner des couleurs au malade !
On taille, on charcute, on improvise d'un côté ; on s'arc-boute sur des concepts, des slogans antédiluviens de l'autre. Entre les deux, les jeunes, qui se sms-isent, ont le même respect pour la culture que notre président et comme lui ne rêvent souvent que d'une chose "gagner un max de thunes " !
Nous savons pourtant que le principal vecteur d'intégration est l'école. Certes pas l'école de Jules Ferry, mais l'école du vivre ensemble, du civisme, de la tolérance, de l'apprentissage des fondamentaux, sans oukases, avec pragmatisme... mais rigueur et exigence.
Au bout du système éducatif, l'université est aujourd'hui incapable de traiter correctement la population qu'elle reçoit.
On lui reproche d'éliminer près de la moitié de ses effectifs en quelques semestres et de ne recevoir en master qu'une petite "élite".
Comment pourrait-elle faire autrement quand chaque cours de licence ou même de M1 consiste à tenter de colmater des brèches béantes. Quand les tentatives de dialogue à propos d'un cours échouent lamentablement faute d'interlocuteurs, quand chaque session d'examen est une épreuve pour le correcteur qui se voit indirectement sanctionné par le néant de dizaines ou de centaines de copies.
Certes nous avons toujours quelques brillants éléments que nous pouvons sans rougir présenter au monde entier et que parfois on nous envie... mais sans nous auraient-ils fait moins bien ?
C'est bien en amont qu'il faut agir ; de la maternelle au collège de multiples chantiers sont à ouvrir, à commencer par celui des rythmes scolaires -une curiosité dans le monde-.
La formation (initiale et continue) des enseignants doit aussi être complètement revue, le lien -inexistant- entre secondaire et supérieur établi...
Je rabâche cela depuis plus de 20 ans devant des auditoires (commissions d'évaluation, profs, parents d'élèves, directeurs d'établissements, universitaires...) qui écoutent poliment avant de mettre en avant tout ce qu'ils auraient à perdre dans le changement : les ministères leurs deniers, les profs leurs vacances, les parents leurs week-ends, les chefs d'établissement leurs prérogatives, les universitaires leurs heures de labo...
Bref trop d'acteurs du système éducatif sont foncièrement conservateurs (y compris les syndicats majoritaires) pour que cela bouge.
D'ailleurs certains ont pris définitivement leur parti de l'effacement de la culture, de la perte des savoirs. Ils traitent de passéistes, de ringards, d'élitistes... ceux qui défendent encore, comme je le fais sur ce site, la culture comme creuset de la citoyenneté. Pour eux, qu'ils le déplorent ou pas, ce temps s'est arrêté au début des années 70. A quoi servent les cours d'histoire ; pour faire un bon français s'il suffit d’apprendre "La Marseillaise" , à quoi bon étudier la Révolution française...
_________________
Il faut aller vite, toujours plus vite, à la vitesse des smartphones. Jouir d'abord, penser (éventuellement) ensuite. Nous revoici au coeur de ce fameux concept de post modernité que j'évoquais dans un précédent billet.
WIKI cite Peter Sloterdijk (un post humaniste !) à propos du post modernisme : "culte du présent, bonne gestion et recherche du bien-être remplacent la volonté de transmission, propre aux prémodernes, comme celle de transformation de la société, caractéristique des modernes".
Le tryptique, Apprendre, Comprendre, Transmettre, qui sert de bannière à ce site, est pour moi l'incontournable façon de préparer la Transformation de nos modèles sociaux et économiques. C'est peu dire que je redoute l'avènement d'une société post moderne !
Un des papes du post modernisme est Michel Maffesoli, que j'ai évoqué également ici. Le prochain opus de Maffesoli traitera de la Sarkologie.
Pour Maffesoli, Sarko est en effet l'archétype du post moderne et -au-delà de sondages ponctuels- il se trouve donc parfaitement en phase avec notre société. Le sociologue dit se garder de porter un jugement de valeur, mais -de fait- il devient la nouvelle idole des intellectuels de droite (la droite "moderne" qui serait donc en fait post moderne).
Il ne s'agit pas que d'une question de sémantique, mais bien d'un problème de fond : faut-il accompagner cette évolution de la société (éducation nationale, media...) qui serait irréversible, ou faut-il, contre vents et marées, maintenir cette fameuse exception culturelle française ?
Montesquieu ou BHL, Copernic ou Elisabeth Teissier, Souchon ou NTM... Zidane ou Anelka...
Certains diront : "encore un vieux réac qui reprend l'antienne du "c'était mieux avant...".
Je ne le pense pas. Au contraire, je m'entoure de tous les moyens technologiques que fournit notre société "moderne" (y compris le dernier smartphone !), j'utilise les plus récentes bases de données, je pratique à haute dose la lecture sur internet, je scrabble en ligne... J'essaie de suivre les dernières progrès scientifiques, l'évolution des grands courants de pensée... et j'y trouve des avancées extraordinaires.
Dans les musées je n'ai jamais vu autant de monde ; à Montpellier tous les festivals affichent complet et les jeunes sont présents... La préservation de la Nature et du Patrimoine est un impératif qui fait son chemin et des merveilles sont offertes à nos yeux...
Les privilégiés -dont je suis- vivent donc une époque formidable...
Mais tous les autres ? Faut-ils qu'ils ignorent la phrase de Newton : "J'ai vu plus loin que les autres parce que j'étais juché sur les épaules de Géants" ?
Je ne le pense pas non plus.
Révolutionnons donc l'école, utilisons tous les moyens modernes de communications que manipulent si bien les ados, au lieu de dicter des résumés barbants et répétitifs qui sont recrachés année après année, supprimons cet énorme hiatus de l'été en diminuant les heures de cours hebdomadaires, généralisons dans les universités, les Ecoles d'été, multiplions les passerelles entre les disciplines... il n'y a probablement que les inspecteurs généraux qui ne savent pas qu'aujourd'hui l'essentiel est aux interfaces !
Sur l'organisation, sur les méthodes, sur la forme... tout est à revoir. C'est le prix à payer si l'on veut sauver l'Education NATIONALE, préserver notre patrimoine et faire en sorte que tous les petits français, blancs, jaunes, noirs... aient la tête bien faite et le coeur plus léger.
Je suis ce soir d'une immarcescible candeur !