La vie : d'où, comment ?

Origine de la vie par Lin Min
Origine de la vie par Lin Min

 

" Muses habitantes de l'Olympe, révélez-moi l'origine du monde et remontez jusqu'au premier de tous les êtres."


 "  Au commencement exista le Chaos, puis la Terre à la large poitrine, demeure toujours sûre de tous les Immortels qui habitent le faîte de l'Olympe neigeux ; ensuite le sombre Tartare, placé sous les abîmes de la Terre immense ; enfin l'Amour, le plus beau des dieux, l'Amour, qui amollit les âmes, et, s'emparant du coeur de toutes les divinités et de tous les hommes, triomphe de leur sage volonté.

 

Du Chaos sortirent l’Érèbe et la Nuit obscure. L'Éther et le Jour naquirent de la Nuit, qui les conçut en s'unissant d'amour avec l'Érèbe. La Terre enfanta d'abord Uranus couronné d'étoiles et le rendit son égal en grandeur afin qu'il la couvrît tout entière et qu'elle offrît aux bienheureux Immortels une demeure toujours tranquille ; elle créa les hautes montagnes, les gracieuses retraites des Nymphes divines qui habitent les monts aux gorges profondes..."

 

Hésiode

Aux origines du monde Maya

Voici l’histoire du monde, lorsque tout était en suspens, calme et silencieux. Tout était immobile, muet, et le ciel vide, à l’infini .

 

Voici la première histoire, le premier discours. Il n’y avait pas encore d’hommes, ni d’animaux, d’oiseaux, ni de poissons, pas de crabes, pas d’arbres, ni de pierres, pas de grottes ni de ravins, pas d’herbes, pas de bois.

 

Seul le Créateur, le Formateur : Tepeu , Gucumatz, qui sont Père et Mère de toute chose, étaient dans l’eau, entourés de lueurs, cachés sous les plumes vertes et bleues qui leur valent leur nom.

 

Alors, ils décidèrent d’entreprendre la création, de faire croître les arbres et les buissons et de donner vie au monde et aux hommes.

 

“Terre” dirent-ils et en un instant elle fut faite.

 

Ensuite ils firent les petits animaux de la montagne, les oiseaux, les lions , les tigres et les serpents, les couleuvres et les vipères.

 

- "Parlez, priez et adorez nous", dirent-ils.

 

Mais chacun criait d’une façon différente et aucun ne se comprenait.

 

Alors ils les condamnèrent à être mangés et ils décidèrent de faire une autre tentative.

 

Le premier homme, ils le firent avec de la boue ; mais il était tout mou, il se défaisait et n’avait pas de force. Il parlait mais n’avait pas d’intelligence. A la fin, humide ; il s’écroula .

 

Le deuxième homme, ils le firent à partir du bois. Il avait une apparence humaine, parlait comme un homme et commença à peupler la terre avec ses semblables, mais il n’avait pas d’âme, ni d’intelligence cet homme là, il marchait au hasard, à quatre pattes et ne se rappelait pas qui était son Créateur. Pour cela il fut puni : sous un déluge de pluie noire, Tepeu, Gucumatz, le noyèrent.

 

Une autre fois, Tepeu ,Gucumatz se réunirent et réfléchirent, et là ils trouvèrent comment serait fait le troisième. De Paxil et de Cayala arrivèrent les épis de maïs blancs et les épis de maïs jaunes . Voici le nom des animaux qui les apportèrent :

 

-Yac, le chat de la montagne

- Utiu, le coyote

-Quel, la perruche

-Hoh, le corbeau.

 

Eux quatre communiquèrent la nouvelle aux dieux, eux quatre leur montrèrent le chemin de Paxil .

 

Ils se sentaient très joyeux, Tepeu et Gucumatz, car elle était fort belle, la terre qu’ils avaient découverte : elle regorgeait d’épis de maïs jaunes et blancs, les pommes de terre et le cacao y abondaient, et les mancenilliers, manguiers et moureilliers prospéraient.

 

Et c’est ainsi que les dieux découvrirent la nourriture, ainsi qu’ils surent comment créer le corps de l’homme. 

 

Balam Quitzé (Jaguar au Doux Rire) fut le nom qu’ils donnèrent au premier homme. Ils en créèrent quatre et à chacun firent don d’une femme .

 

 

Oui, c’est ainsi vraiment que le maïs entra dans le sang de l’homme , grâce au Père et à la Mère de toute chose .

 

 ...

L'homme grelotte, seul et nu.

L'étendue aux flots noirs déborde, d'horreur pleine;

L'énigme a peur du mot; l'infini semble à peine

Pouvoir contenir l'inconnu.

Toujours la nuit! jamais l'azur! jamais l'aurore!

Nous marchons. Nous n'avons point fait un pas encore!

Nous rêvons ce qu'Adam rêva;

La création flotte et fuit, des vents battue;

Nous distinguons dans l'ombre une immense statue

Et nous lui disons: Jéhovah!

...

Victor Hugo, Les Contemplations

 

 

Bing Bang : c'est parti... !

 

Bing Bang...!

 

C'était il y a environ 14 milliards d'années. L'Univers naissait… avec l'apparition des briques élémentaires de matière, bientôt suivies de la lumière.

Très vite, le tout se dilate et s'organise : la matière forme d'immenses structures – amas, filaments, nappes – au sein desquelles apparaissent les galaxies, formidables rassemblements de milliards d'étoiles. Ces dernières sont parfois accompagnées d'une ribambelle de planètes sur lesquelles peut surgir la vie comme sur la Terre. Du Big Bang aux premières cellules, le début de chaque étape de cette épopée fait encore l'objet de nombreuses interrogations.

 

À l'occasion du lancement de l'Année mondiale de l'astronomie, Le journal du CNRS se penche sur les mystères des origines de l'Univers.

 

L'image ci-dessous (CNRS) montre l'enchaînement des évènements à partir de t=0.

 

On remarquera que si la formation des premiers noyaux (de l'atome d'hélium) a mis une seconde, la formation des atomes a mis... quatre cent mille ans. Les galaxies et les étoiles apparaissent au bout d'un milliard d'années.

 

Autrement dit la PREMIERE SECONDE a été décisive !

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L'écho des premiers instants de l'univers

Astrobiologie et origine de la vie

Le 23 avril 2019, un rocher spatial de la taille d'une machine à laver s'est brisé dans le ciel, au-dessus du village Aguas Zarcas, dans la forêt tropicale du Costa Rica.

Les météorites ne sont pas rares,  mais Aguas Zarcas, est une chondrite carbonée, un vestige immaculé du système solaire primitif. La grande majorité des météorites sont des morceaux de pierre ou de métal alors que les chondrites carbonées sont riches en carbone - et pas seulement en carbone inorganique, mais aussi en molécules organiques aussi complexes que les acides aminés, les éléments constitutifs des protéines. 

 

Aguas Zarcas ressemble à la légendaire chondrite carbonée qui a explosé en 1969 au-dessus de Murchison, dont j'ai déjà parlé ici.

À ce jour, les scientifiques y ont reconnu près de 100 acides aminés différents, dont beaucoup sont utilisés par des organismes sur Terre et de nombreux autres rares ou inexistants dans la vie terrestre. 

Murchison contenait également des nucléobases, les éléments constitutifs de molécules génétiques telles que l'ARN, et en novembre 2019, les chercheurs ont découvert un composant majeur du squelette de l'ARN: la molécule de sucre ribose.

Les 30 kilogrammes d'Aguas Zarcas sont prometteurs car en 50 ans la science a beaucoup progressé : les scientifiques vont pouvoir appliquer des techniques modernes pour préserver et sonder la nouvelle météorite. Ils pouvaient déceler de fragiles composés organiques et découvrir non seulement les acides aminés et les sucres, mais aussi les protéines, qui ont longtemps été suspectées, mais jamais confirmées dans une météorite.

Cosmochimie

Aguas Zarcas pourrait  fournir aux scientifiques des informations sur trois périodes anciennes de l'univers.

 

La premiere est antérieure au système solaire. 

Il y a 7 ou 8 milliards d'années, des particules de poussière d'étoiles ont été éjectées de supernovae et des atmosphères extérieures d'étoiles vieillissantes. Ces poussières d'étoiles, faites de matériaux résistants tels que le graphite, le diamant ou le carbure de silicium ont dérivé dans l'espace, constituant un nuage interstellaire sans nom.

 

Dans la phase suivante, ce nuage informe s'est effondré en un disque tourbillonnant autour du Soleil nouveau-né, générant une chaleur de friction qui a transformé ces grains présolaires en une vapeur bouillonnante.

 

 Au fur et à mesure que le disque refroidissait, les premiers solides se condensaient en des amas cristallins d'aluminium et de calcium aussi gros que des graines de pavot. Ces fragments datent de 4,56 milliards d'années, définissant l'âge du système solaire. En quelques millions d'années, des gouttes de roche fondues se sont refroidies en sphères vitreuses - les «chondrules» qui donnent leur nom aux chondrites.

 

Puis, dans la troisième phase, ces petites particules ont commencé à s'assembler dans des roches, parmi lesquelles ce qui allait devenir Aguas Zarcas. La future météorite a évité les planètes, voyageant à bord d'un petit astéroïde, dans un vide glacé, bien au-delà de Jupiter. Cela lui a permis d'éviter d'être fondue par le soleil.

L'astéroïde s'est ensuite développé en amassant de la glace et du carbone.

 

Tandis que ce voyage sidéral se poursuivait, sous l'effet de la lumière du soleil, la chimie prébiotique entrait dans la danse.

 

L'apport d'eau sur Terre par les astéroïdes aurait été massif : les cosmochimistes estiment que la moité de l'eau des océans a cette origine ! 

Ainsi, l'analyse des échantillons prélevés sur l’astéroïde Itokawa par la sonde spatiale japonaise Hayabusa, grâce à un spectromètre de masse à ions nanométriques (NanoSIMS), a montré qu'il recelait une quantité d'eau qui dépassait de beaucoup la moyenne observée pour des objets du système solaire interne.

 

 

En des millions d'années cette chimie produisit des molécules élémentaires, telles que le cyanure d'hydrogène, puis plus complexes comme les acides aminés et finalement toutes les molécules de base constituant le vivant.

 

Et puis Aquas Zarcas comme Murchinson et des milliers de ses semblables, a achevé son voyage sur la planète bleue y apportant la vie... comme le pense de nombreux scientifiques.

Le hasard avait fait son oeuvre, la nécessité (l'évolution) allait faire le reste.

 

LIRE dans la revue Science :

An unusual meteorite, more valuable than gold, may hold the building blocks of life

 

 

Origine des premières molécules du vivant

 

         L'origine de la vie, remonte au maximum à 4 milliards d'années.

 

Mais qu'est-ce que la vie ? Sur Wikipédia on peut lire :

 

La vie est le nom donné aux formes auto-organisées et homéostatiques de la matière (organismes vivants) ayant une capacité de duplication et d'évolution. Cette définition est parfois étendue à l'ensemble des êtres vivants de la biosphère.

 

Pour les philosophes grecs l’origine de la vie était due à l’existence d’une force vitale.

 

Empédocle, qui vécu au Vème siècle avant J.C., expliquait l’origine de la vie ainsi :

 

« Des têtes sans jambes, des jambes sans tête, des bras, des torses se promenaient autrefois à la surface de la terre. Un jour, par hasard, tous les éléments nécessaires à la constitution d’un  individu complet se rencontrèrent et ainsi s’auto organisa le premier homme. »

 

D’autres philosophes grecs tel que Thalès, Démocrite, Epicure et Platon imaginaient l’origine de la vie en ces termes :

 

 « La vie est éternelle et apparaît spontanément à chaque fois que les conditions sont propices. »

 

C’est Aristote qui réalisa la synthèse des idées développées avant lui et érigea la génération spontanée en véritable théorie.

 

Il fallut attendre Pasteur pour refermer la page de la génération spontanée et Wöhler pour écarter la force vitale comme moteur de la synthèse des biomolécules.

  

Chimie prébiotique

 

Chimie prébiotique, exobiologie, homochiralité, philogénétique... voici quelques termes que vous rencontrerez sans doute si vous faites une recherche utilisant l'expression "origine de la vie".

 

Le sujet est vaste, complexe et bien sûr toujours en débat ! Il nécessite une approche pluridisciplinaire impliquant biologistes, chimistes, physiciens, astronomes... En cela il est aussi un exemple passionnant du fonctionnement pluridisciplinaire de l'approche scientifique de notre temps.

 

Néanmoins je vais essayer de donner quelques éléments qui peut-être vous donneront envie d'approfondir le sujet.

 

Vous trouverez ci-après l'excellente conférence donnée par le  Pr Brack sur Canal Universitaire.

Les premières molécules du Vivant, la "soupe primitive"

 

 Darwin (encore lui !) avait écrit en 1871 :

 

"On dit souvent que toutes les conditions pour la première production d'un organisme vivant qui sont maintenant réunies, pourraient ne l'avoir jamais été. Mais si (et oh !, quel grand si) nous pouvions concevoir, dans quelque petite mare chaude, en présence de toutes sortes de sels d'ammoniac et d'acide phosphorique, de lumière, de chaleur, d'électricité, etc., qu'un composé de protéine fût chimiquement formé, prêt à subir des changements encore plus complexes, au jour d'aujourd'hui une telle matière serait instantanément dévorée ou absorbée, ce qui n'aurait pas été le cas avant l'apparition des créatures vivantes"

 

 En 1924 - Alexander Oparin- revient sur la "soupe primitive"

 

L'étude de l'origine de la vie va faire un bond en avant avec les travaux de ce biochimiste soviétique. Ce dernier publie en 1924 un ouvrage intitulé "L'origine de la vie", dans lequel il développe une théorie audacieuse. Pour lui, l'évolution biologique aurait été précédée d'une évolution chimique.

 

 

L'expérience de Miller (1953)

 

Pour expliquer ce qu'est la chimie organique, je commence généralement mon cours en rappelant l'expérience de Stanley Miller durant sa thèse d'Etat à Chicago :

 

  L’atmosphère prébiotique supposée

 

L'hydrogène, l'azote et le carbone sont  alors parmi les éléments les plus abondants (il y a très peu d’oxygène). Ces éléments forment 99.5% de la biosphère. Leurs composés sont la vapeur d'eau (H2O), le méthane (CH4) et l'ammoniac (NH3). Cette atmosphère est semblable à celle de Jupiter actuellement.

 

L'énergie disponible

Le rayonnement ultraviolet du Soleil était  chimiquement très puissant car la couche d'ozone n'était pas encore constituée. Il y avait également les décharges électriques de fréquents orages, les rayons cosmiques, les météores, la radioactivité naturelle, l’énergie libérée par les volcans… Toutes ces formes d'énergie auraient permis de la synthèse des composés organiques.

La synthèse des acides aminés

Miller reconstitua l’atmosphère primitive supposée dans un ballon. L'atmosphère se trouve dans la partie supérieure du ballon. La partie inférieure représente l'océan. La jonction est chaude et un condenseur froid permet d'établir une circulation dans l'éprouvette. Les décharges dans l'atmosphère supérieure permettent la synthèse des molécules organiques qui seront récoltées dans l'océan du bas. Des décharges électriques (libérant des éclairs de 60000 volts) fournissent l'énergie

Miller a obtenu de cette façon des molécules organiques, les briques du vivant, et notamment de l'urée, du formaldéhyde (HCHO), de l'acide cyanhydrique (HCN), des sucres, des bases et des acides aminés. Certains composés étant présents à plus de 2% .

La chimie du carbone, la chimie du Vivant est née au sein de cette soupe primitive.

 

De multiples expériences du même genre allaient le démontrer, on peut obtenir par ce moyen la synthèse d'aldéhydes, d'acides carboxyliques et, outre la dizaine des vingt acides aminés formant les protéines actuelles,  une centaine d’acides aminés absents dans notre biosphère.

Le débat à propos de la nature de l’atmosphère primitive de la Terre (plus ou moins réductrice) est toujours d'actualité. Miller et ses collègues ont été critiqués car on pensait que les énormes quantités d'hydrogène nécessaires pour ces synthèses n'avaient pu exister. Aujourd'hui on n'en est pas si sûr ! Cependant l’idée d’une soupe chaude primitive persiste.

Les progrès de la radioastronomie aidant, on a fini par détecter des molécules organiques complexes dans les nuages interstellaires moléculaires denses et froids, où elles sont le produit d’une chimie complexe dans la gangue de glace entourant les poussières cosmiques. On pense que la plupart des molécules organiques complexes seraient arrivées sur Terre sur les météorites et les comètes lors d'une longue phase de bombardement.

VOIR L'ARTICLE CI-DESSOUS

Néanmoins Miller avait montré la possibilité d'obtention de biomolécules à partir du carbone existant en milieu prébiotique, une avancée aussi importante que celle de Wöhler qui synthétisa par simple chauffage un composé organique, l'urée, à partir d'un composé minéral, le cyanate d'ammonium, portant un coup très dur au vitalisme scientifique et ouvrant la voie à la chimie organique.

De nombreux modèles résolvent le problème de l'apparition des molécules organiques. Les scientifiques arrivent à produire de nombreuses petites molécules biologiques (acides aminés, glucides, base nucléiques) dans des conditions prébiotiques en laboratoire. Ce sont les molécules de base de la chimie du vivant...

 

Mais comment peut-on expliquer aujourd'hui les étapes suivantes, qui incluent le passage de ces molécules simples aux biopolymères, puis aux protocellules et finalement aux cellules vivantes ayant un métabolisme de base ?

Après avoir tenté d'expliquer l'origine de la vie, on doit se poser la question de l'évolution du vivant.

Une origine cosmique, une origine océanique ?

 

Une origine spatiale

 

Dans la recherche des origines de la vie, la vieillie théorie de la panspermie,  a récemment été remise au goût du jour. Selon cette théorie, la vie viendrait de l'espace, et les micrométéorites, météorites (fragments d'astéroïdes tombant sur Terre) et comètes qui errent dans les immensités insondables de l'espace interstellaire, transporteraient des formes de vie primitives, prêtes à émerger de leur long sommeil à tout instant.

 

Aujourd'hui, nombreux sont les scientifiques qui pensent que l'origine de la vie est effectivement à chercher dans l'espace. Avec une petite nuance par rapport au concept initial proposé par Hermann Richter : les astéroïdes et comètes n'auraient pas livré sur Terre des organismes complets près à se développer, mais plus simplement une grande quantité de molécules prébiotiques, à partir desquelles les premières cellules se seraient assemblées.

 

La synthèse de molécules organiques semble être un phénomène très courant dans l'espace. Dans le vide interstellaire, les scientifiques ont recensé à ce jour quelque 120 molécules organiques comportant entre 2 à 13 atomes de carbone. De nombreux corps extraterrestres, comètes, météorites ou micrométéorites contiennent également une foule de molécules organiques plus ou moins complexes. Si ces composés peuvent être amenés sur Terre, et à condition qu'ils résistent à la traversée de l'atmosphère, alors notre planète a effectivement pu être ensemencée en molécules prébiotiques par des apports exogènes.

 

Une classe assez rare de météorites, les chondrites carbonées, renferme effectivement de nombreuses molécules organiques. En 1868, le chimiste Berthelot découvre dans la météorite d'Orgueil, tombée quatre années auparavant en France, des composés aux propriétés chimiques voisines du charbon. La mise en évidence de curieuses structures ressemblant étrangement à des algues avait également fait sensation à l'époque (cette découverte était alors une démonstration éclatante de la théorie de la panspermie).

 

L'analyse de la météorite de Murchison, tombée le 28 septembre 1969 en Australie, montrera également la présence de 70 acides aminés, dont 8 d'importance biologique (c'est à dire rentrant dans la composition des protéines). Plus étonnant encore, il semble que ces acides aminés ne soient pas présents dans des proportions racémiques, mais qu'il existe une légère prédominance des formes gauches (L). L'utilisation exclusive par la nature des acides aminés de type L trouve t-elle son origine dans cette asymétrie naturelle, qui aurait été ensuite amplifiée par le vivant ?

 

Nous aborderons ce point dans l'article "homochiralité"

 

 

Une origine océanique

 

En 1977 un petit sous-marin, Alvin, découvrit l'existence d'écosystèmes totalement insoupçonnés, luxuriants et d'une grande beauté, nichés autour de sources hydrothermales sur la dorsale des Galápagos, en plein océan pacifique, à 2600 mètres de profondeur. Deux années plus tard, les fameux fumeurs noirs, ces bouches minérales qui crachent des fluides surchauffés chargés de particules métalliques, furent observés pour la première fois.

 

Dorsales et hydrothermalisme océanique

 

Les géologues appellent dorsales les zones ou le plancher océanique (constitué de basaltes) se renouvelle.

Les dorsales sont le siège d'une activité volcanique intense, qui provoque en retour une importante circulation hydrothermale.

 

En cheminant le long des fractures, l'eau de mer se réchauffe petit à petit, s'acidifie, et se charge en sels minéraux et en éléments métalliques aux contacts des roches volcaniques. Des molécules, comme le méthane ou le sulfure d'hydrogène apparaissent également.

 

En s'accumulant, les particules finissent par construire de curieuses cheminées qui peuvent atteindre 2 mètres de diamètre et 15 mètres de haut, et par laquelle l'eau chaude continue à sortir. L'eau de mer peut aussi diffuser à travers les roches et rejoindre les eaux froides sans passer par une cheminée. La température du fluide au niveau de ces évents est alors bien plus basse : 20°C à 30°C seulement.

 

Les dorsales océaniques et leurs édifices hydrothermaux, sont particulièrement propices à la synthèse de matières organiques.

 

Avec un milieu réducteur (favorable à la synthèse de molécules telles que les acides aminés, comme l'a prouve l'expérience de Stanley Miller), des températures et des pressions élevées, de l'eau en abondance, une foule de précurseurs prébiotiques (dioxyde de carbone, sulfure d'hydrogène, hydrogène), les cheminées hydrothermales constituent un environnement de rêve pour l'apparition et la complexification de la matière organique.

 

Certains scientifiques appellent cependant à la prudence : les hautes températures mesurées au niveau des cheminées seraient plus propices à la destruction des composées organiques qu'à leur synthèse. Pour ces chercheurs, la vie aurait pu naître non pas au niveau des évents, mais sur leurs flancs, où les conditions sont moins agressives.


 

 

Aux origines de la vie : les fumeurs noirs

 Un test consistant à mélanger certains gaz ( H2O,H2,N2,CH4,CO2), et à les soumettre à diverses sources d'énergie, a permis d'obtenir la formation de biomolécules essentielles pour les organismes vivants : acides aminés constituants des protéines animales, les deux sucres et les cinq bases des acides nucléiques ARN et ADN (Guanine; Cytosine; Adenine; Thymine et Uracile). 

 

L'apparition de la vie sur la Terre au fond des océans, au niveau des sites hydrothermaux, est actuellement présentée comme une hypothèse très crédible.

 

 Tout récemment, des chercheurs ont montré que les bactéries des sources hydrothermales sous-marines pouvaient utiliser l’hydrogène. Après le méthane et les composés soufrés, c’est donc la troisième source d’énergie chimiosynthétique de ces sources de vie qui vient d’être découverte.

 

 

Aux origines de la vie : bactéries thermophiles des bassins volcaniques de Yellowstone

Yellowstone (Tom Lavergne, 2012)
Yellowstone (Tom Lavergne, 2012)

Les archéobactéries (Archées) hyperthermophiles sont les seuls organismes capables de vivre à des températures supérieures à 95°C. Leur étude soulève des questions passionnantes :

- comment leur ADN peut-il fonctionner à de telles températures ?

- Existe-t-il un lien entre une possible origine chaude de la vie et celle des hyperthermophiles ?

 

Voir le travail de Patrick Forterre (Les hyperthermophiles sont-ils nos ancêtres ? La Recherche, 317, 1999, Les microbes de l'enfer, Belin, 2007)

 

 

 

Rupture de symétrie, homochiralité

structure d'un acide aminé
structure d'un acide aminé

 « La vie est dominée par des actions dissymétriques dont nous pressentons l’existence enveloppante et cosmique. Je pressens même que toutes les espèces vivantes sont primordialement, dans leur structure, dans leurs formes extérieures, des fonctions de la dissymétrie cosmique »

Pasteur (1883) 

 

 

Nous comprenons donc comment se sont formé les molécules simples : les acides aminés, les sucres, les bases azotés... L'enchaînement qui suit : protéïnes, acides nucléïques (processus de polymérisation) puis code génétique (auto-reproduction "self-replication") puis... vie, fait l'objet des travaux actuels.

 

Rappelons que les acides nucléiques -ADN, ARN- sont des macromolécules formées par un enchaînement de nucléotides. Les nucléotides sont le résultat de l'association de 3 molécules : une base azotée, un glucide et de l'acide orthophosphorique PO(OH)3).

 

Les protéines résultent de la polycondensation d'aminoacides.

  

Reste maintenant un problème majeur !

 

 

La biologie n’est pas symétrique. Nous sommes droitiers ou gauchers et certains de nos organes occupent une position clairement asymétrique : le cœur du côté gauche et le foie du côté droit. Cette rupture de symétrie existe-t-elle au niveau moléculaire ?

 

Oui ! Des bio-molécules comme les acides aminés - ces petites molécules qu’utilisent nos cellules pour fabriquer des protéines - ou les sucres de l’ADN, sont des molécules chirales (du grec chiros, les mains) qui existent a priori sous deux formes - appelées énantiomères -, de même formule chimique mais non-superposables (comme nos mains) : l’énantiomère gauche et l’énantiomère droit.

 

Pourtant ces molécules, telles qu’on les rencontrent dans les organismes vivants, présentent une asymétrie fondamentale : les acides aminés sont tous du type gauche alors que les sucres de l’ADN et de l'ARN sont du type droit, c’est ce que l’on appelle l’homochiralité de la vie.

 

De même les molécules que l’on rencontre dans les agents de saveurs et les parfums possèdent des odeurs différentes selon qu’elles sont du type gauche ou droit. Plus généralement cette propriété remarquable, mise en évidence par Pasteur en 1847, est appelée asymétrie bio-moléculaire.

 

De nombreuses manifestations de l’homochiralité de la vie ont été étudiées intensivement et en détail, mais son origine exacte, sans doute liée à l’origine même de la vie, est mystérieuse. Comment le vivant a-t-il sélectionné la forme gauche des acides aminés pour construire les protéines ? Pourquoi la forme droite a-t-elle été éliminée alors que la synthèse de ces molécules en laboratoire produit un mélange dit racémique, c’est-à-dire comportant une quantité égale des deux formes ? Ce processus de sélection est-il dû au hasard ou bien est-il d’origine déterministe ?

 

Nous allons le plus simplement possible regarder les hypothèses émises, après avoir examiné quelques conséquences fondamentales de l'asymétrie dans la chimie du Vivant.

 

 

LA SUITE ICI

 


 

2014 : L'expérience de Miller simulée

Antonino Marco Saitta, professeur à l'Université Pierre et Marie Curie et Franz Saija, de l’lstituto per i Processi Chimico-Fisici/CNR à Messine, viennent de publier dans PNAS, une reconstitution de l'expérience de Miller par simulation numérique grâce à des calculs complexes de chimie quantique, dits "ab initio". 

 

Leur simulation a utilisé une atmosphère un peu différente (moins réductrice) de celle de Miller.

Leurs premiers résultats font apparaître trois molécules clés comme intermédiaires sur le chemin des briques du vivant : l'acide formique, l'acide cyanhydrique et surtout le formamide (H-CO-NH2).

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Rosetta fait parler la comète Churyumov

La terre, la lune et la comète
La terre, la lune et la comète

Numéro spécial dans la revue Science du 23 janvier à propos des investigations de Rosetta sur la comète  67P.

 

Les résultats obtenus sont souvent surprenants, notamment en ce qui concerne la diversité de la surface, sa morphologie, la composition du noyau... Beaucoup de questions restent donc posées.

 

A noter  que grâce à un spectromètre de type VIRTIS (à large bande spectrale), des composés organiques macromoléculaires ont été identifiés. Ils présentent principalement des groupes à liaisons C-H ou O-H et très peu de liaisons N-H.

 

Rappelons que ces comètes sont sans doute les objets existants les moins modifiés depuis l'origine du système solaire ; elles portent ainsi témoignage des processus physiques qui ont conduit à leur formation. Les composants solides observés peuvent avoir existé avant que le système solaire ne soit formé ; déjà présents  au sein d'une nébuleuse protosolaire.