De l'ombre à la lumière

 

 A la mort d'Isaac Newton en 1727, beaucoup reconnaissaient son génie. Dans son "épitaphe pour Newton ", le poète Alexandre Pope écrit :

 

" La nature et les lois de la nature se cachaient dans la nuit ; Dieu déclara : Que Newton soit, et la lumière fut."

 

Newton, homme issu de l'ombre, travailleur infatigable dans la pénombre des cabinets et des bibliothèques, savant solitaire et ombrageux... fit en effet jaillir la lumière.

Fin connaisseur des travaux d'illustres prédécesseurs, mathématicien brillant, expérimentateur hors pair, homme de méthode et de rigueur, il put à lui seul proposer une théorie complète -pour l'époque- des phénomènes lumineux qu'il publia dans un imposant traité d'optique : Optiks (1704 ).

 

Néanmoins, dès la présentation de ses travaux, Newton eut des détracteurs, notamment parce que se situant résolument dans le cadre d'une théorie corpusculariste (qui correspondait à sa vision de l'univers), il ne pouvait interpréter certains phénomènes, comme les interférences lumineuses.

 

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Le jour, la nuit, le bleu du ciel, le rouge du sang, les couleurs de l'arc-en-ciel, la vue... dès l'aube de l'humanité les premiers êtres vivants furent interpellés par les phénomènes lumineux, la vision et les couleurs. Leurs ingénieux artistes surent nous léguer des trésors picturaux enfouis au sein de pyramides, de grottes... où, devant la lueur tremblotante d'une flamme, se révélèrent les dons des premiers coloristes.

 

Bien entendu la Bible érige en symbole le plus éclatant phénomène coloré, l'arc-en-ciel, pour en faire un signe divin : 

 

Dieu dit à Noé :

"J'ai mis mon arc dans la nuée pour qu'il devienne un signe d'alliance entre moi et la terre. Quand je ferai apparaître des nuages sur la terre et qu'on verra l'arc dans la nuée, je me souviendrai de mon alliance entre moi, vous et tout être vivant quel qu'il soit".

 

Pour les premiers savants, la lumière était conçue comme un flux de projectiles ; émis par les corps lumineux selon Démocrite, par l'œil selon Euclide. Platon imagine qu'elle naît de la rencontre des particules émises par la source lumineuse et par l'œil.

 

Pour Aristote, la lumière ne peut pas se déplacer dans le vide. Ptolémée établit empiriquement les lois de la réfraction, phénomène qui fait par exemple qu'un bambou que l'on trempe obliquement dans l'eau paraît brisé.

 

 

Lumière d'hier

 

Vers 300 avant JC, Euclide enseignait les mathématiques à Alexandrie. Il écrit "Les Eléments", un ouvrage de référence sur la géométrie, et Optique et Catoptrique, consacrés respectivement à l’étude géométrique de la lumière directe et à celle de la lumière réfléchie ; un ouvrage dans lequel il met en évidence notamment la propagation des rayons lumineux en ligne droite.

 

Au I­er siècle avant JC, le mathématicien et mécanicien grec Héron l’Ancien écrit "Catoptrique" dont il reste une traduction latine. Il y expose sa théorie de la vision – il pensait que la vision était possible grâce à des rayons lumineux émis par les yeux et se propageant à une vitesse infinie- et étudie les phénomènes de réflexion de la lumière sur les miroirs plans, convexes, ou concaves. Il expose le principe selon lequel la lumière suit toujours le chemin le plus court.

 

Au début du IIe siècle, Ptolémée a bâti une somme colossale sur l’astronomie, les mathématiques, la physique, la géographie, la musique, etc. Ce génie de la science alexandrine écrivit "Optique", un ouvrage regroupant les connaissances de l’époque, point de départ des recherches futures. Ce travail a le mérite de présenter pour la première fois une étude approfondie du phénomène de la réfraction. Nous devons aussi à Ptolémée les premières considérations d’ordre philosophique sur la nature de la lumière, de la vision, et des couleurs.

 

Dieu est lumière

 

Pour les religions du Livre, Dieu est Lumière :

  • -Sourate XXIV « La lumière » verset 35
    « Dieu est la lumière des cieux et de la terre. Semblance de sa lumière il niche où brûle une lampe, la lampe dans un cristal ; le cristal, on dirait une étoile de perle : elle tire son aliment d’un arbre de bénédiction, un olivier qui ne soit ni de l’est ni de l’ouest dont l’huile éclaire presque sans que la touche le feu. Lumière sur lumière!  Dieu guide à sa lumière qui veut.»

  • - XCI
    « Par le soleil en son premier éclat, par la lune quand elle prend sa suite, par l’illumination du jour, par la nuit quand elle l’occulte, par la terre et ce qui l’aplanit, par l’âme et ce qui l’équilibre, lui inspire la luxure ou de se prémunir. Bien heureux sera qui la purifie confondu sera qui l’opacifie »

     

Au Moyen-Age, le savant égyptien Ibn-Al-Haytam, dit Alhazen (965-1039) étudie la vision et développe une véritable théorie corpusculaire de la lumière, émise par le corps lumineux indépendamment de l'observateur. Son œuvre traduite en latin -«opticæ thesaurus»- sera l’ouvrage de base de toute la physique médiévale occidentale, elle offre la première description scientifique du fonctionnement de l’œil, mentionnant clairement que l’objet, et non l’œil, est la cause de la vision.

 

Il reprit les travaux des savants de l’Antiquité, d’Euclide à Ptolémée, pour lesquels la notion de lumière est étroitement liée à la notion de vision : la lumière n’était pas un sujet d’études en soi mais plutôt considérée comme le vecteur de l’image d’un objet jusqu’à notre œil, la principale question étant de savoir si l’œil a un rôle passif dans ce processus ou s’il envoie une sorte de fluide pour «interroger» l’objet. Par ses études du mécanisme de la vision, Ibn Al-Haytham montra que l’œil était un instrument d’optique !

 

Il rationalisa les lois de la réflexion de la lumière sur une surface (comme celle d’un miroir), déjà énoncées par Ptolémée. Il confirma aussi la propagation rectiligne de la lumière et pressentit déjà qu’elle devait avoir une vitesse considérable mais finie !

Il étudia également le phénomène de réfraction, c'est à dire la déviation d'un rayon lumineux quand il passe d'un milieu à un autre, par exemple de l'air à l'eau. Mais heureusement pour la notoriété de Descartes et ses fameuses formules qui trônent dans nos manuels, il ne put élaborer la loi qui permet de calculer l’angle de réfraction. On lui doit de nombreux dispositifs optiques (lentilles, miroirs sphériques et paraboliques) et aussi la fameuse camera obscura (chambre noire des photographes) : la lumière passait à travers un petit trou dans un mur et on y observait une image, projetée sur le mur opposé. CNRS

 

Thomas d'Aquin (XIIIe siècle) idéalise la métaphysique d'Aristote ; il fait de la lumière une pure qualité qui représente la perfection de Dieu.

 

Robert Grosseteste (1170-1253) se pose, à Oxford, comme héritier à la fois du platonisme, d’Aristote et des mécaniciens arabes. Il considère la lumière comme la première forme corporelle créée par Dieu.

Cette métaphysique de la lumière est mise par Grosseteste au service des sciences de la nature : il y applique les mathématiques pour expliquer réflexions et réfractions. Cette conception va avoir une influence énorme.

 

A lire sur le BLOG : " Robert Grosseteste, un homme épris de lumière "

 

 

Roger Bacon (1214-1294) veut restaurer la philosophie révélée par Dieu à Adam et perdue lors de la faute originelle. Pour cela, il préconise la «science expérimentale» – il forge ce nom – et vante ses applications pratiques. Bacon fait de la lumière des perturbations qui se propagent dans un espace plein, rempli de l’«éther» céleste.

 

Il faut noter que la nature ondulatoire de la lumière semble avoir été postulée pour la première fois par ces deux moines anglais : Grosseteste et Bacon.

 

Johannes Kepler (1571-1630) établit clairement le principe de la propagation de la lumière depuis la source lumineuse vers l'objet, à une vitesse qu'il pense infinie. Galilée (1564-1642) décrit des méthodes de mesure de la vitesse de la lumière, mais ne parvient pas à les mettre en œuvre.

 

René Descartes, les premières lois mathématiques

 

A la fin du XVIe siècle, les physiciens s’interrogent toujours sur la nature de la lumière et de la matière. La lumière est-elle un corps ou un mouvement d’un corps. Les différentes théories proposent une interprétation ni vraiment corpusculaire, ni vraiment ondulatoire. En 1637, Descartes fait paraître son traité "Dioptrique" à la suite du "Discours sur la méthode". Sans plus de considérations sur la nature de la lumière, il exprime pour la première fois sous forme mathématique les lois de la réflexion et de la réfraction.

 

Willebrord Snell (1580-1626) complète  les lois de la réfraction de Descartes et les fait connaître.

 

Pierre de Fermat (1601?-1665) les retrouve grâce au principe du moindre temps.

 

Les théories de Descartes, très embrouillées, font pourtant autorité. Il faudra du temps pour que les physiciens s'en défassent !

 

Christiaan Huygens (1629-1695), la théorie ondulatoire

 

Francesco Grimaldi (1618-1663) croit en la nature ondulatoire de la lumière, après avoir étudié les franges de diffraction et la décomposition de la lumière blanche.

 

Le physicien néerlandais Christiaan Huygens, en 1678, transforme ces prémisses en une théorie, au sens actuel du terme.

Il postule un monde plein, empli d’éther, imagine que les chocs suscités par les mouvements des corps enflammés heurtent les particules d’éther, se propagent dans toutes les directions, à la manière dont le tambour frappé produit dans l’air des ébranlements – des ondes – qui parviennent à nos oreilles et engendrent le son.

Par des moyens purement géométriques, Huygens parvient à rendre compte de la propagation rectiligne, de la réflexion, de la réfraction (en postulant que la lumière va moins vite dans l’eau que dans l’air).

Il explique aussi une curieuse propriété que présentent les cristaux : ils dédoublent les images. Cette explication de la «double réfraction» lui permet de découvrir les propriétés anisotropes des cristaux, d’en rendre compte.

Sa théorie ondulatoire permet d'expliquer des phénomènes disparates et qui semblaient incohérents. Elle n’explique pas cependant les couleurs.

 

On peut donc dire que la conception du monde de Descartes se montre féconde. Ses partisans peuvent valablement proposer que l’Univers est plein : " c’est une immense horloge créée et mise en mouvement par Dieu" 

 

"Dans une mer de particules, le soleil et les planètes se déplacent, entraînés par des tourbillons... Le vide n'existe pas."

 

Isaac Newton, la théorie corpusculaire

 

 Enfin Newton vint...

L’œuvre d’Isaac Newton (1642-1727) inaugure, par sa synthèse magistrale, une nouvelle ère de la pensée scientifique.

Son analyse expérimentale et théorique des propriétés physiques de la lumière et des couleurs ouvre un nouveau domaine à propos de la constitution de la matière : l’optique physique.

 

Lorsque, dans le milieu des années 1660, Newton s'attache à l'étude des phénomènes de la lumière et des couleurs en annotant les livres de Robert Hooke et de Robert Boyle, les théories explicatives de la couleur admises invoquent encore, même lorsqu'elles sont, comme chez Descartes, d'inspiration mécaniste, les thèses aristotéliciennes : la lumière est pure et homogène; les couleurs, caractérisées par leur éclat ou leur force, naissent d'une modification (atténuation ou obscurcissement) de la lumière incidente.

Une telle conception, dénuée de tout support quantitatif pouvant contribuer à préciser le sens des concepts de force et de faiblesse, d'obscurité et de luminosité, ne trouve son intelligibilité qu'en se référant aux impressions des sens.

 

Dans ce cadre, il n'y a pas de place pour une interprétation mathématique des phénomènes de la couleur; c'est en ce lieu théorique précis que se situe l'apport newtonien.  

 

« En ce qui concerne la physique, Monsieur des Cartes n’a jamais rien dit de bon ».

 

C’est Newton - qui n'est pas tendre !- qui parle ainsi. Il réfute la conception cartésienne du monde : si les planètes étaient entraînées par l’éther, il y aurait contacts, frottements, dissipation de chaleur, perte de mouvement.

 

L’horloge de Descartes doit s’arrêter. Le monde ne peut donc être plein : il est vide !

 

Le jeune Newton s’intéresse aux couleurs. Parmi les traditions qui l’ont précédé, il préfère d’emblée la théorie corpusculaire : il part de l’hypothèse que les rayons de lumière blanche sont constitués de corpuscules de masses et de vitesses différentes.

 

Newton, prolongeant les travaux d'inspiration corpusculariste de Robert Boyle, parvient donc dès 1666 à l'énoncé de sa thèse fondamentale: la lumière blanche est un mélange hétérogène de rayons différemment réfrangibles.

 

Note : à partir de ses expériences, Boyle considère que la matière est composée de particules primaires. Il rejette la conception énoncée par Aristote qui disait que toute matière est formée à partir de quatre éléments : la terre, l'air, l'eau et le feu. Boyle devint donc un précurseur à la théorie des atomes sur des bases expérimentales.

 

Isaac Newton fut donc le premier à montrer que la lumière blanche du Soleil est en fait un mélange de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Il en tira la conclusion que les couleurs sont toutes présentes dans la lumière blanche du Soleil et que le prisme a pour effet de les séparer, en un "spectre".

 

Newton montra ensuite que les couleurs du spectre ne peuvent pas se décomposer en de nouvelles couleurs : si on envoie de la lumière verte sur un prisme, on retrouve la même lumière en sortie. Cette lumière est dite monochromatique. Par l’ajout d’un second prisme, il recomposa la lumière blanche. Voici la relation que le savant donne lui-même d’une suite d’expériences qui précisent en particulier ce qu’il faut entendre par la couleur d’un corps :

 

"...après que j’eus séparé les rayons hétérogènes les uns des autres, le spectre, formé par les rayons séparés, en avançant depuis son extrémité sur laquelle tombèrent les rayons les plus réfrangibles, jusqu’à sont autre extrémité sur laquelle tombèrent les rayons les moins réfrangibles. ==, parut les couleurs suivantes dans l’ordre que je vais les nommer : le violet, l’indigo, le bleu, le vert, le jaune, l’orangé, le rouge, avec tous leurs degrés intermédiaires dans une continuelle succession qui variait perpétuellement ; de sorte qu’on voyait autant de degrés de couleurs qu’il y avait d’espèces de rayons de différente réfrangibilité.

 

"De tout cela, il s’ensuit évidemment que si la lumière du Soleil ne consistait qu’en une seule sorte de rayons, il n’y aurait qu’en une seule couleur dans le monde ; qu’il ne serait pas possible de produire aucune nouvelle couleur par voie de réflexion et de réfraction ; et que, par conséquent, la diversité des couleurs dépend de ce que la lumière est un composé de rayons de différentes espèces."

 

Newton avait conclu de ses recherches sur la lumière que les couleurs "ne sont pas des qualifications de la lumière provoquées par la réflexion ou la réfraction sur les corps naturels", comme on le croyait alors, mais par "des propriétés originelles et spécifiques", différentes pour les différents rayons.

 

Il communiqua ses travaux de 1672 à 1676 à la Royal Society tout en les enseignant de 1670 à 1672 à Cambridge. Sa théorie lui attira des critiques virulentes car les couleurs étaient supposées être une forme modifiée par la matière d’une lumière blanche homogène.

Le scepticisme de Christiaan Huygens et les tentatives ratées du physicien français Edmé Mariotte de reproduire, en 1681, son expérience de réfraction, confortèrent l’hostilité des savants continentaux.

 

 Newton ne publia donc que bien plus tard, en 1704, une synthèse dans son ouvrage "Opticks".

 

Newton établit également que la couleur ou le degré de réfrangibilité d'un rayon donné sont inaltérables. Il indique qu'il existe des couleurs simples et primitives, d'une part, et leurs mélanges, d'autre part. Les couleurs primitives ou primaires sont « le rouge, le jaune, le violet, le bleu, un violet pourpre, avec aussi l'orange, l'indigo et une variété indéfinie de nuances intermédiaires».  

 

Newton reporte enfin dans le troisième et dernier livre du traité d'optique un ensemble d'observations relatives au phénomène de la diffraction, qu'il regroupe sous la dénomination d'«inflexion». Le phénomène avait été décrit par Francesco Maria Grimaldi dans son ouvrage intitulé Physico mathesis de lumine, coloribus et iride, publié à Bologne en 1665.

 

S’il concevait des ondes associées à la lumière, tout en préférant voir en celle-ci des corpuscules de différentes vitesses, il ne se prononça pas sur la raison profonde de ce lien. Il hésita, quand à la nature de la lumière, entre une conception purement corpusculaire et une théorie vibratoire de l’éther, puis abandonna cette dernière pour une théorie des "accès de facile réflexion et transmission".

 

L’auteur de la théorie de la gravitation, trop attaché aux aspects corpusculaires, ne peut donc établir une théorie globalisante de la lumière.

 

Cependant, malgré les critiques de quelques détracteurs (Hooke, Euler, ...). l'optique newtonienne va dominer la science jusqu'au début du XIXème siècle, lorsque Augustin Fresnel traduit mathématiquement les théories ondulatoires introduites par Huygens.

 

Fresnel, pour qui "Newton radote", développe la théorie du vecteur lumineux et de la lumière polarisée. Le médecin anglais Thomas Young (1773-1829), esprit universel par excellence (il fut aussi un égyptologue renommé), réalise des expériences décisives. L'idée lui vient que la vibration lumineuse est transversale et non longitudinale.

 

La lumière : phénomène corpusculaire ou phénomène ondulatoire ?

 

Nous venons de voir que très tôt un débat opposa les savants à propos de la nature de la lumière : s'agit-il d'un phénomène ondulatoire ou d'un phénomène corpusculaire ?

 

Le premier de ces modèles, était atomiste ; la lumière étant considérée comme une collection de "petites billes" émises par les corps lumineux. Cette conception mécaniste était parfaitement compatible avec la dynamique newtonienne et son espace vide et Newton fut comme nous venons de le mentionner, l'un de ses partisans.

 

Selon cette théorie, chaque couleur correspondait à des corpuscules se déplaçant à une vitesse différente.

Cependant, le modèle corpusculaire allait être contesté pour une raison que Newton lui-même avait très bien pressentie : il ne parvenait pas à rendre compte de l'existence des interférences, phénomène qu'il décrit sans pouvoir l'expliquer.

 

Ce deuxième modèle, introduit en 1678 par le physicien et astronome hollandais Christiaan Huygens (voir ci-dessus), décrivait la lumière comme une onde, oscillation partout présente, similaire à celles que l'on peut observer à la surface de l'eau.

Or, selon les idées de l'époque, une onde ne pouvait se propager que comme vibration d'un support matériel. Huygens supposa donc qu'elle était supportée par un "éther luminifère", lequel n'avait a priori rien à voir avec l'éventuel "éther gravitationnel" auquel Newton avait bien voulu reconnaître, un peu à contre-cœur, une possible existence.

 

Avec son modèle, Huygens fut à même d'expliquer quantitativement nombre de phénomènes face auxquels la théorie corpusculaire se heurtait. Cependant, la réputation de Newton était telle que son modèle restait le plus communément admis.

 

Il fallut attendre le début du XVIIIème siècle, avec le médecin et physicien anglais Thomas Young puis le Français Augustin Fresnel, pour que la preuve soit faite que là où le modèle corpusculaire échouait, la théorie ondulatoire fonctionnait parfaitement. Young fit en effet de nombreuses expériences d'interférométrie, qui furent reprises par Fresnel, lequel travailla également sur la théorie de Huygens dont il montra qu'elle prédisait bien les interférences lumineuses.

 

Lumière d'automne (Lozère), photo MHB
Lumière d'automne (Lozère), photo MHB

Lumière d’aujourd’hui

 

La théorie vibratoire de la lumière, développée par Young et Fresnel puis étendue à toutes les autres radiations par James C. Maxwell (1831-1879) et Heinrich Hertz (1857-1894), explique les phénomènes liés à la propagation des ondes (interférences, ondes stationnaires, etc.) mais l'effet photoélectrique ou l'émission des rayons X ne peuvent être compris qu'en admettant l'existence de « grains de lumière » distincts ou photons.

 

Il est aujourd'hui admis que les aspects ondulatoire et corpusculaire ne sont pas contradictoires mais complémentaires comme l'explique la théorie de la mécanique ondulatoire de Louis de Broglie (1892-1987) et Erwin Schrödinger (1887-1961) et la mise en évidence de la dualité onde-corpuscule.

 

Richard Feynman, dans Lumière et matière, résume la situation :

 

" Aujourd'hui, nous savons que la lumière est faite de particules parce que nous possédons des instruments extrêmement sensibles qui font «clic» à chaque fois qu'ils reçoivent de la lumière, et ce, même si l'intensité de la lumière est abaissée considérablement : les «clics» sont les mêmes, seul leur nombre diminue.

Il évoque [...] une période où l'intelligence des physiciens fut mise à rude épreuve : la lumière, disait-on, doit être considérée soit comme une onde, soit comme un ensemble de particules selon les situations expérimentales. C'est ce qu'on a appelé la «dualité onde-corpuscule». [...] à cette époque la lumière était une onde les lundis, mercredis et vendredis, et un ensemble de particules les mardis, jeudis et samedis. Restait le dimanche pour réfléchir à la question. "

 

Lumière de demain

 

Les nanosources de lumière

 

Les nanotechnologies permettent de fabriquer des dispositifs de très petite taille avec des propriétés lumineuses bien particulières. Ainsi, des nanosources de lumière pour la biologie. Ce sont de petits cristaux de semi-conducteur (cadmium-sélénium) contenant un nombre d’atomes relativement petit: ils absorbent la lumière comme un solide, c’est-à-dire sur un domaine assez large de longueurs d’onde, mais la réémettent comme un atome, c’est-à-dire que la longueur d’onde de cette fluorescence est bien précise et dépend essentiellement de leur taille. On peut les fonctionnaliser, c’est à dire les particulariser pour qu’ils s’accrochent à des cellules vivantes. En utilisant différentes tailles de nanocristaux, chacune préparée pour s’accrocher sur des récepteurs précis des cellules, on peut, en éclairant la cellule avec un laser, faire fluorescer ces nanocristaux de différentes couleurs. On dispose ainsi de marqueurs pour telle ou telle activité biologiqueCNRS

 

Nano-antennes bio-inspirées pour la lumière, formée de deux nanoparticules d'or liées par un double-brin d'ADN et alimentée par un émetteur quantique unique.

2015 : Année de la lumière

L’Organisation internationale des nations unies (ONU) a proclamé 2015 « Année internationale de la lumière et des techniques utilisant la lumière ».

 

Pour cette année qui coïncide avec le millième anniversaire du début de la rédaction du Traité d'optique du grand savant arabe Ibn al-Haytam -véritable pionnier de la méthode scientifique -, la revue Nature propose un numéro spécial LUMIERE , Light fantastic.


 

L'Odyssée de la lumière

 

 

 

Annexe :

 

La Lumière au siècle des lumières, Jean-Pierre Changeux, Canal U

 

Sources : la recherche à partir des mots lumière et optique conduit évidemment à un nombre astronomique de références. Cet article qui balaye très sommairement quelques siècles, fait d'ailleurs apparaître pratiquement tous les grands noms de la physique antérieure au XXième siècle.

 

Il faut noter que beaucoup d'ouvrages concernant l'optique et ces savants sont partiellement, voire presque totalement, mis en ligne par Google (mais qu'à donc fait notre BNF !). Un certain nombre de références  renvoie à ces ouvrages.

 

Voir en particulier :

- ce wikilivre ICI,

- sur la couleur : ICI

- e Bernard Maitte, professeur d'histoire des sciences à Lille-1 : Une histoire de la lumière de Platon au photon