De Démocrite aux... nanosciences

 

Démocrite se décrivait, modestement, ainsi :

 

« De tous mes contemporains j’ai parcouru la plus grande partie de la terre, en étudiant les sujets les plus grands. J’ai vu le plus de climats et de pays. J’ai entendu la plupart des hommes doctes, et personne encore ne m’a surpassé dans l’art de combiner les lignes et d’en démontrer les propriétés, pas mêmes les arpenteurs d’Égypte, avec qui j’ai passé cinq ans en terre étrangère. »
(Cité par Clément d'Alexandrie, Stromates)

 

"Pour Démocrite, comme pour son maître Leucippe, la nature est composée dans son ensemble de deux principes : les atomes (ce qui est plein) et le vide (ou néant). L’existence des atomes peut être déduite de ce principe : « Rien ne vient du néant, et rien, après avoir été détruit, n’y retourne. » Il y a ainsi toujours du plein, i.e. de l’être, et le non-être est le vide.

Les atomes sont des corpuscules solides et indivisibles, séparés par des intervalles vides, et dont la taille fait qu’ils échappent à nos sens..."citation

 

La théorie atomiste de Démocrite fut combattue, oubliée au profit de la conception du monde défendue par Aristote, puis revint sur le devant de la scène au XIXème siècle.

 

Pour la première fois, un système du monde fut élaboré sans présupposer qu'un esprit eut l'intention de le fabriquer ou de le créer. La théorie atomiste préfigure la pensée moderne, non parce qu'elle utilise le terme "atome", mais parce qu'elle s'efforce de construire la complexité du réel à partir de principes réels.

 

 L'atome a donc été postulé, décrit...aujourd'hui avec les nanotechnologies il peut être manipulé !

 

L'échelle nanométrique (niveau de la dimension de l'atome)

 

Les nanotechnologies et les nanosciences touchent à des phénomènes s'exprimant à une échelle allant de 1 à 100 nanomètres.

Un nanomètre correspond à un milliardième de mètre, soit une grandeur 100 000 fois plus petite que le diamètre d'un cheveu humain.

À l'échelle nanométrique, la matière présente des caractéristiques particulières différentes de celles qui sont observées à plus grande échelle (ainsi, s’il est inerte à l'échelle macroscopique, l’or peut devenir extrêmement réactif sous la forme de particules nanométriques) ou à l'échelle atomique.

La nanoscience s'intéresse à ces caractéristiques particulières alors que la nanotechnologie applique les nouvelles connaissances révélées par la nanoscience à la conception de nouveaux produits.

(Réseau Nano IdF), mthomas

 

La révolution des nanotechnologies

 

 

Texte inspiré des écrits de Philippe Houdy dans 3 ouvrages "Nanosciences" parus chez Belin réalisés par l'ensemble de la communauté "Nanosciences de France"

 

Origine du mot nanosciences ?

 

En toute rigueur, de nombreuses activités parfois vieilles d’un siècle relèvent des nanosciences, ne serait-ce que la chimie. Cette science permet en effet d’assembler des atomes sous des formes capables d’assurer des fonctions données (fabrication de molécules).


L’acte fondateur est le discours de Richard Feynman, (prix Nobel de physique 1965) en 1959 au congrès annuel de l'American Physical Society.

A cette occasion, ce physicien évoque une idée tout à fait nouvelle : les principes de la physique pourrait permettre à l'homme de manipuler la matière à l’échelle nanométrique, voire à l'échelle de l’atome.

Il évoque en particulier des possibilités étonnantes : écrire l’Encyclopédie Britannica sur une tête d’épingle, réaliser des ordinateurs capables d’intelligence artificielle... La discipline des "nanosciences" (nano : milliardième de mètre) venait de naître.

 

Les Nanosciences sont la révolution technologique et scientifique d'aujourd'hui, comme l'a été la microtechnologie avec les microprocesseurs et les micro-ordinateurs dans les années 1970-1980.

 

L'extraordinaire avancée des moyens actuels de communication (téléphone portable, internet, ordinateur, écran plat, haut débit, haute résolution,...) n'est qu'un premier pas et la partie visible d'un iceberg dont la partie immergée reste à étudier et à développer industriellement : notamment en nanomédecine avec les nano médicaments.

 

Les nanosciences

 

Depuis le début des années 80, nous sommes entrés dans le monde des Nanosciences.

 

En 1981, Heinrich Rohrer et Gerd Binnig, mettent au point le Microscope à effet tunnel (Scanning Tunnelling Microscope : STM) pour lequel ils obtiennent le Prix Nobel de Physique en 1986 : cet instrument permet de cartographier une surface atomes par atomes. C'est une extraordinaire avancée instrumentale qui en appellera d'autres.

 

A la même époque, Robert Curl, Harold Kroto et Richard Smalley synthétisent les premières molécules de C-60 : 60 atomes de carbone sous forme de « ballon de football » là où le carbone n'existait naturellement que sous forme de cristaux hexagonaux « mille feuilles », le graphite, ou sous forme cubique, le diamant.

Cela leur vaudra le prix de Nobel de Chimie en 1996 : c'est une avancée décisive pour la synthèse artificielle d'objets nanométriques.

 

Toujours dans les mêmes années, Albert Fert (récent prix Nobel de physique) et Peter Grünberg donneront une explication théorique (électronique de spin ou Spintronique) aux effets de magnétorésistance  observés dans les matériaux multicouches nanométriques : c'est la première grande avancée théorique des Nanosciences [1].

 

Après cela, les avancées vont se multiplier dans ces trois domaines : instrumentation, nano-objets et propriétés.

Par ailleurs, les développements technologiques issus de la microélectronique (Loi de Moore : diminution d'un facteur 2, tous les 2 ans depuis 1970 de la taille des dispositifs semi-conducteurs intervenant dans la fabrication des puces des microprocesseurs, « cœur » de l'intelligence des ordinateurs accroissant la rapidité et les capacités de calcul de ces processeurs) permettent la gravure des matériaux massifs (silicium, arseniure de Gallium,...) à l'échelle micronique, puis submicronique puis nanométrique : c'est la voie dite « Top-down » (du haut [micron] vers le bas [nano]).

En parallèle, l'approche « chimiste » consiste à construire des matériaux massifs nanostructurés à partir de composés nanométriques assemblés : c'est la voie dite « Bottom-up » (du bas [nano] vers le haut [micron]).

 

L'ensemble de ces avancées amène à la nanotechnologie : réalisation d'objets nanométriques ou à bases nanométriques industrialisables et commercialisables [2].

 

L'avancée des nanosciences dans le domaine de la physique et de la chimie a permis de développer des méthodes et des objets uniques à ce jour.

 

Il en est de même dans le domaine de la biologie (*). Après le séquençage de l'ADN, l'un des grands enjeux actuels est d'élucider le rôle que jouent les modifications de l'ADN dans la régulation de l'expression génétique.

Un ensemble de techniques a été développé : les biopuces à ADN bien sûr mais aussi les puces à cellules et les puces à protéines pour analyser à la plus petite échelle les cellules elle mêmes ainsi que les protéines. Un autre aspect est la création d'objets nouveaux comme les nanoparticules fonctionnalisées qui permettent, par exemple, le marquage biologique in vitro et in vivo d'autres objets biologiques.

 

Biopuces

 

A petite échelle, les « nanomachines du vivant », moteurs moléculaires, ATP synthase, permettent de réaliser des machineries de signalisation, d'endocytose ou de phagocytose.

 

Les aptamères, nanostructures repliables, peuvent exercer une activité catalytique ou interagir spécifiquement avec des protéines ou de petites molécules. Au-delà de ces nano-bio-objets, de même que dans les autres domaines, des techniques spécifiques ont évolué ou ont été développées : la Résonance Plasmonique de Surface (SPR) pour mesurer les interactions moléculaires, la PCR (Polymerase Chain Reaction) temps réel permettant la quantification d'acides nucléiques, les microscopies champ proche comme le SNOM pour une information topographique couplée à une information optique des surfaces biologiques, l'AFM pour une véritable imagerie cellulaire et moléculaire de ces mêmes surfaces, les micromanipulations (micropipettes) pour l'étude des forces entre molécules individuelles (adhésion, fusion membranaires)...

 

De même que le domaine des nano-objets celui les applications biologiques est vaste : celui de la vectorisation est l'un des plus important.

 

A partir d'objets nanométriques comme les nanoparticules ou les liposomes, il est possible de fonctionnaliser, à très petite échelle, des objets assurant une furtivité et un ciblage à même de traiter la maladie au plus près des cellules pathogènes pour des applications en parasitologie, en vaccination ou en cancérologie.

Toutes ces avancées laissent augurer du développement d'une nano-médecine uniquement nano-invasive où la maladie sera ainsi détectée à sa plus proche périphérie et traitée alors à la plus petite échelle [3].

 

[1] Les Nanosciences Vol 1 : Nanotechnologies et nanophysique, M.Lahmani, C.Dupas et Ph. Houdy BELIN 2006 pour la réédition. Traduit chez SPRINGER 2007


[2] Les Nanosciences Vol 2 : Nanomatériaux et nanochimie, M.Lahmani, C.Bréchignac et Ph. Houdy BELIN 2006. Prix Roberval 2008.


[3] Les Nanosciences Vol 3 : Nanobiotechnologie et nanobiologie, M.Lahmani, P.Boisseauet Ph. Houdy BELIN septembre 2007. Traduction chez SPRINGER parution début 2009

 

 

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(*) Nanotechnologies / Biologie Moléculaire / Protéomique / Biopuces :

 

Des microtechnologies aux nanotechnologies en biologie clinique
Pierre-Jean Lamy UM-1 Biotechnologies et Marqueurs Tumoraux
Centre Régional de Lutte contre le Cancer Val d’Aurelle - Montpellier

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