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Constitution tunisienne : défaite des barbus, victoire des femmes ?

La constitution tunisienne qui vient d'être promulguée, marque sans aucun doute la défaite de la mouvance islamiste qui avait pris le pouvoir à l'issue de la chute du dictateur Ben Ali et prétendait à terme imposer la charia.

 

Cette loi fondamentale, sans équivalent dans le monde arabo-musulman, inscrit au contraire dans le marbre des dispositions en opposition frontale avec la bible des barbus :

 

- sur la liberté de conscience.

L'article 6 garantit : " la liberté de croyance [et] de conscience » (avec cependant un petit bémol, dans la mesure où le même article stipule que l'Etat doit « protéger les sacrés »).

 

- sur les droits des femmes.

L'article 46 renforce les acquis (déjà très significatifs) de la première constitution, puisqu'il indique que :

 « L’Etat garantit l’égalité des chances entre la femme et l’homme pour assumer les différentes responsabilités et dans tous les domaines. L'Etat œuvre à réaliser la parité entre la femme et l'homme dans les conseils élus. L’Etat prend les mesures nécessaires afin d’éradiquer la violence contre la femme ".

 

 L'article 34 précise que l'Etat doit garantir la représentativité des femmes dans les assemblées élues. L'objectif de parité est clairement affiché.

 

Nous sommes ici très loin des premières moutures du texte qui présentait la femme comme "complémentaire" de l'homme !

 

Trois raisons justifient ce repli (stratégique ?) de la mouvance islamiste.

 

Deux échecs cinglants :

 

- sur le plan sécuritaire, avec l'émergence d'une mouvance djihadiste (tolérée dans un premier temps) prenant le contrôle de mosquées, installant des maquis et surtout assassinant deux des leaders de la gauche progressiste (Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi) dont les meurtriers courent toujours.

 

- sur le plan économique, avec une forte dégradation, liée à un net repli des investissements étrangers et une forte baisse du nombre de nuitées touristiques (moins 15% - moins 53% pour les Français- entre 2010 et 2013).

 

Une très forte résistance des forces progressistes, du syndicat UGTT, de la jeunesse et en particulier des femmes, dont j'ai signalé ici à plusieurs reprises le courage (1)

Certes, certains points (dont le fameux article 6) vont se prêter à des exégèses et il faudra voir dans quelle mesure la liberté de conscience et la protection du sacré sont compatibles (2), néanmoins on peut dire aujourd'hui que la " Révolution de jasmin " n'a pas été trahie.

 

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(1)  - voir le travail de l'ONG Al Bawsala fondée par Amira Yayaoui (@Mira404),

     - de Karima Souid (@KarimaSouid), députée de l'ANC, de Lina Ben Mehnni, militante des droits de l'homme... et de beaucoup d'autres.

 

(2) - voir la situation de Jabeur Mejri, condamné à 7 ans de prison pour avoir caricaturé le prophète, pour lequel le président de la république (Moncef Marzouki) a déclaré : " les attaques contre les symboles sacrés de l'islam » ne peuvent être considérées comme relevant de la liberté d'expression "